Panorama de livres autour des cinéastes et acteurs à l'honneur lors de la 75e édition du Festival de Cannes.
Et si les films de Tom Cruise ne parlaient que de Tom Cruise ?
Chaque nouveau projet de la star semble être l'occasion de commenter sa vie, ou plutôt ses vies, magma de signes et de rumeurs, à cheval entre plusieurs réalités : celle de ses rôles, celle de ses apparitions médiatiques, celle de l'existence qu'on lui prête... De ses débuts d' American teenager jusqu'à ses plus récents succès, cet essai retrace le parcours de l'acteur, dont le rayonnement trouble a fini par contaminer les films eux-mêmes.
La relation artistique qui unit Stéphane Brizé et Vincent Lindon au travers de cet ensemble (Mademoiselle Chambon, Quelques heures de printemps, La loi du marché, En guerre, Un autre monde) est probablement l'une des plus belles et des plus riches de ces dernières années. Il m'a semblé plus que logique d'y consacrer un ouvrage tant leurs films sont d'une brûlante actualité et m'apparaissent comme profondément indispensables dans ce monde qui est le nôtre. Ils sont un miroir qu'il est nécessaire de tourner vers soi. Ce livre qui se veut à la fois analytique et personnel est ma manière de rendre, modestement, hommage à ces deux hommes. Il tente de mettre en lumière des constantes, des procédés filmiques (le plan-séquence, par exemple) et s'arrête également sur des thématiques fortes comme le travail, bien sûr, ou encore le langage et sa possible instrumentalisation. Plus que jamais, il me semble, le cinéma français et la société peuvent être fiers de compter parmi eux de pareils artistes.
«C'est contre le cinéma que le cinéma doit se faire. En particulier s'il veut, au sein du nouveau monde des images, incarner le plus précieux, le plus vital : la liberté de penser, d'inventer, de chercher, d'errer et de se tromper, en somme d'être l'antidote.» Olivier Assayas Constat fait de l'absence de pensée théorique du cinéma contemporain et de l'effacement de la cinéphilie, que nous reste-t-il pour penser ce que l'on persiste à appeler le septième art? Penser, c'est-à-dire donner du sens aux pratiques des réalisateurs, dépasser la fragmentation et la dépersonnalisation de leur oeuvre dans l'industrie des flux numériques... et justifier aussi qu'on puisse encore résister à l'attraction des plateformes au nom d'un cinéma indépendant et libre, avec l'éthique et les fins qui lui sont propres.
Après ses débuts dans la sphère underground de Toronto, à la fin des années 1960, David Cronenberg s´est imposé comme un auteur majeur capable de passer, avec une aisance rare, du mainstream à l´expérimental, sans perdre, pour autant, sa singularité de cinéaste. Son oeuvre met en scène des corps mutants façonnés par la science et la technologie, comme dans La Mouche ou Crash, ou simplement victimes de l´environnement dans lequel ils évoluent. À travers eux, le cinéaste explore les zones insoupçonnées de l´inconscient et interroge la nature, à la fois transgressive et libératrice, du fantasme. La Transgression selon David Cronenberg analyse l´oeuvre d´un observateur de la nature humaine qui, par le biais du corps, redéfinit notre propre rapport au monde, à l´esthétique et à la morale.
Naomi Seberg et Nathan Math oeuvrent avec succès dans le photojournalisme à sensation de l'ère des nouveaux médias. À la fois amants et concurrents professionnels, ils arpentent le globe séparément, ne se croisent que dans des hôtels d'aéroports ou n'ont de rapports que par Internet, et sont toujours en recherche d'histoires spectaculaires - si possibles sordides.
Celle de Célestine et Aristide Arosteguy, anciens professeurs de philosophie à la Sorbonne et couple libertin, a tout pour attirer Naomi. Célestine a en effet été retrouvée morte, mutilée, dans son appartement parisien. La police suspecte son mari, qui a disparu, de l'avoir assassinée et d'avoir mangé des parties de son corps. Avec l'aide d'Hervé Blomqvist, un étudiant singulier, elle se lance sur les traces d'Aristide, qui la mènent jusqu'à Tokyo.
De son côté, Nathan se trouve à Budapest pour photographier le travail d'un chirurgien controversé, Zoltán Molnár, qui a été recherché par Interpol pour trafic d'organes et pratique désormais des interventions illégales. En couchant avec l'une des patientes de Molnár, Nathan contracte l'étrange « maladie de Roiphe », que l'ont croyait disparue. Il s'envole alors pour Toronto, bien décidé à rencontrer le médecin qui a identifié ce mystérieux syndrome.
Ces histoires parallèles finissent par se croiser dans une intrigue hallucinée mêlant la technologie et le corps, l'impression 3D et la philosophie, le festival de Cannes et le cannibalisme, la mort et le sexe sous toutes ses formes (fétichisme, voyeurisme, échangisme.).
Cinéaste culte et mondialement reconnu (Videodrome, La Mouche, EXistenZ.), David Cronenberg poursuit dans ce premier roman son exploration de la noirceur psychologique et physique de l'être humain. Nous retrouvons dans Consumés les thèmes et l'esthétique de ses films, ses fascinations et ses obsessions.
Traduit de l'anglais (canadien) par Clélia Laventure
Rebelle de naissance, toujours joyeusement subversive par son art, Catherine Deneuve est la figure exquise pour toutes celles et tous ceux qui désirent commencer leur vie sans avoir jamais à courber la nuque. Une leçon de liberté, de fantaisie, de choix souverains, de fidélité à l'anarchisme de l'enfance. (Arnaud Desplechin)
Auteure notamment de Wendy & Lucy, La Dernière Piste et Certaines Femmes, Kelly Reichardt déplace le regard sur les États-Unis, leur présent comme leur histoire, en revisitant le cinéma US, road-movie, thriller et western.
Après avoir travaillé avec Hal Hartley et Todd Haynes - son futur producteur exécutif -, Kelly Reichardt réalise en 1994 River of Grass, « un road-movie sans route, une histoire d'amour sans amour, une affaire criminelle sans crime », qui l'inscrit d'emblée sur la scène indépendante américaine. Il faudra quelques années et la découverte de l'Oregon, son territoire de cinéma, pour que Kelly Reichardt en devienne une représentante majeure, avec Old Joy (2007) et surtout Wendy & Lucy (2009). Ce film, sur une jeune femme et sa chienne que la précarité a jetées sur les chemins, initie sa collaboration avec l'actrice Michelle Williams et lui vaut une reconnaissance internationale. Interrogeant toujours les constructions de la société américaine au présent dans le thriller écologique Night Moves (2014) comme dans les portraits croisés de Certaines Femmes (2017), Kelly Reichardt remonte également jusqu'à leurs origines avec deux westerns, La Dernière Piste (2011) et son nouveau film, First Cow (2020, en compétition officielle à la Berlinale), qui font un autre récit de la conquête de l'Ouest, du capitalisme et de l'individualisme naissants, depuis leurs marges.
Ce premier livre en français consacré à la cinéaste, composé d'un essai, de plusieurs entretiens et de nombreux documents de travail inédits, revient sur l'ensemble de sa filmographie et analyse son entreprise discrète de réévaluation du monde.
Il est édité à l'occasion de la rétrospective intégrale des films de Kelly Reichardt au Centre Pompidou, du 23 janvier au 7 février 2021, en présence de la cinéaste, dans le cadre de la manifestation « Hors Pistes #16 : l'écologie des images ».
Chargée de programmation cinématographique depuis 2000 au Centre Pompidou, où elle organise rétrospectives et expositions, Judith Revault d'Allonnes collabore également à des revues (Trafic, Débordements) et des ouvrages collectifs (sur Richard Linklater, Chris Marker, Guy Gilles, Stephen Dwoskin). Elle a publié un essai sur Holy Motors de Leos Carax (éd. Yellow Now, 2016).
Quand je tourne mes films...offre un voyage lumineux et patient au coeur de l'imaginaire d'un grand cinéaste. Fort de son passé de romancier, Hirokazu Kore-eda nous raconte sa conception de son travail pour la première fois avec cette approche humble et nonspectaculaire qui le caractérise (le titre original de l'ouvrage en japonais est « Les choses auxquelles j'ai pensé en tournant mes films). N'aspirant qu'à devenir « une goutte dans la grande rivière du cinéma qui coule depuis plus de cent ans », l'artiste dissèque chacun des films qu'il a réalisés depuis ses débuts en 1995, y compris les plus récents, parmi lesquels Une affaire de famille, palme d'or à Cannes en 2018.
Il s'agit d'une première traduction mondiale.
Oeuvre clandestine depuis sa sortie en 1993, La Classe américaine entre enfin dans la collection Les Grands Classiques.
Découvrez les dialogues complets du film culte de Michel Hazanavicius et Dominique Mézerette, accompagnés d'un appareil critique et enrichis d'illustrations originales d'un des auteurs.
Celui qui est vivant. L'autre dessinait mieux, mais il est mort. Monde de merde.
"Pour moi, c'est parfait de A à Z. Il y a trop de vannes que j'aurais voulu écrire." Alain Chabat.
"Le train de tes injures roule sur les rails de notre indifférence." M. Hazanavicius & D. Mézerette.
Le film La Classe américaine a été diffusé le 31 décembre 1993 sur Canal+ et n'a jamais été exploité en salle.
Une version intégrale en haute définition est visible gratuitement sur YouTube
Faire voir parce qu'on jubile, s'étonne, s'émerveille et parce qu'on s'amuse à s'interroger, tel est un cinéma qui à la fois nous charme et nous grandit. En huit longs métrages, de Laissons Lucie faire ! à Caprice, Emmanuel Mouret en tient la promesse à travers des récits nourris de fantaisie. La simplicité apparente et le classicisme formel de ses films sont le contrepoint d'une esthétique de l'étonnement : le cinéaste invente, suggère, interroge de nouveaux usages. Ses films miroitent d'une infinité de désirs et leur clarté jette le trouble sur ce qu'est aimer. Ce livre d'entretiens révèle un artiste cinéphile, fasciné par la peinture et la musique, passionné de philosophie, qui place la rencontre esthétique au-dessus de tout. Emmanuel Mouret de son cinéma, du cinéma en général.
Sylvie Durastanti a été la compagne du cinéaste Jean Eustache, pendant les dernières années de sa vie.
Pour le réalisateur de La Maman et la Putain, elle a écrit trois scénarios : Offre d'emploi, Un moment d'absence et Nous Deux roman-photo. Jean Eustache a réalisé le premier. Il préparait le tournage des deux autres, avant sa mort en 1981.
Durant quatre décennies, Sylvie Durastanti a gardé ces deux derniers textes par-devers elle. Plus que des scénarios, Un moment d'absence et Nous Deux roman-photo nous apparaissent aujourd'hui avec la force d'oeuvres littéraires à part entière, impressionnantes de dépouillement et de crudité.
Une troisième partie complète cet ensemble : Pourquoi j'ai écrit certains de mes textes, qui expose, sans pudeur inutile, les circonstances particulières du travail de Sylvie Durastanti pour Jean Eustache.
Au sein d'un cinéma portugais extrêmement vivace, João Pedro Rodrigues a imposé sa singularité depuis la fin des années 1990 avec une oeuvre de dixhuit films à ce jour qui réactive les genres cinématographiques : le fantastique post-Fantômas, le mélodrame à la suite de Sirk et Fassbinder, le film noir sur les traces de Sternberg...
Entêtants comme les désirs souverains qui les animent, ses films ont gagné une reconnaissance immédiate dans les plus grands festivals. O Fantasma, Odete ou Mourir comme un homme suivent leurs personnages à travers les méandres de leurs obsessions, du réel sur lequel ils butent vers son dépassement. Les corps des acteurs ne cessent de s'y métamorphoser et les films de muter avec eux, dans un chatoiement infini des genres, sexuels ou animaux aussi bien que cinématographiques.
Avec son directeur artistique, João Rui Guerra da Mata, il a également cosigné plusieurs courts et un long-métrage tournés à Macao, qui pistent les mystères et fantômes de l'ancienne colonie portugaise en mêlant l'aube rouge. Le cinéma et sa grande vie argentique de personnages humains ont fait place au film numérique en play-back d'une humanité éclipsée, «You Kill Me». » Article de Luc Chessel paru dans Les Inrocks en 2013, à la sortie de La Dernière fois que j'ai vu Macao :
« Très loin : Macao, Las Vegas d'Asie du Sud, ancienne colonie portugaise, surpeuplée. Tout près : le Portugal d'aujourd'hui, aux rues désertées, dépossédé de ses moyens de production. Très loin : Macao (Le Paradis des mauvais garçons), un vieux film (1952) de Josef von Sternberg, avec Robert Mitchum et Jane Russell, l'Asie en studio par un Autrichien d'Hollywood. Tout près : le cinéma sans argent, et les petites caméras numériques permettant de tourner pour presque rien, directement, sans être vu. Très loin : le monde sans l'Europe.
Tout près : l'Europe sans avenir. Très loin : les souvenirs de Guerra da Mata, son enfance à Macao. Tout près, une question : que faire de nos propres fantômes ?
Le film hante cet écart, ce temps entre le proche et le lointain. Il y a l'histoire, qui est une voix off : celle du cinéaste Guerra da Mata appelé d'urgence par une amie disparue, partie chanter la chanson de Jane Russell dans les casinos de Macao, qui lui demande de venir la rejoindre pour la sauver d'une mystérieuse menace.
Indiscernablement documentaire et fiction.
Extrait de la présentation de Marie Borel :
« Il a cette manière singulière, dévote et iconoclaste à la fois, d'apprivoiser les fauves, leur être-corps, si beau en ce monde profane. Constellations d'êtres au coeur fragile. Récits lents, rêves éveillés dont la mélancolie devient un accomplissement de paix. C'est par la terre que tout revient, sac et ressac telluriques, comme une marée. La durée brouille les sens et les humeurs.
Portraits oniriques, échappées belles. Reconnaissance posthume. Douceurs inédites. Délices négatives. Force d'une nostalgie sans nostalgie, saudade, cet affect qui est le Portugal même. Ce qui brûle guérit. La dernière fois qu'il a vu Macao, c'était l'année du tigre et de
Ce livre s'inscrit dans une continuité. Un précédent volume, Antonioni / Ferrare, interrogeait une ville et un mode d'écriture. Il s'agissait d'écrire sur le cinéma d'Antonioni et sur la ville de Ferrare qui, c'était une hypothèse, a construit son regard, et d'expérimenter par ailleurs un mode d'écriture à la lisière de la fiction.
Réfléchir à l'urbain et tenter de trouver une écriture « juste » pour parler des films reste le moteur de ce nouveau projet.
La ville de Seraing sert d'écrin à presque tous les films réalisés par les frères Dardenne.
L'hypothèse, cette fois, est qu'en travaillant sur la durée et en inscrivant leurs films dans un environnement social précis, en accordant une place déterminante au travail et à ses variantes dans le temps, Jean-Pierre et Luc Dardenne ont contribué à définir un paysage.
La construction de l'ouvrage repose sur trois séjours successifs à Seraing en compagnie de Guy Jungblut, à nouveau sollicité pour les photos qui encadrent l'écrit. Ces photos n'ont pas le statut de simples illustrations. Les séquences photographiques constituent un regard autonome sur la ville, ses particularités et ses failles. À plusieurs reprises, elles ont relancé le travail d'écriture qui parfois s'épuisait entre descriptions vaines et réflexions sociologisantes déconnectées du terrain.
Au retour d'une expédition de vol à l'étalage avec son fils, Osamu recueille dans la rue une petite fille qui semble livrée à elle-même et qui lutte pour survivre dans le froid glacial. D'abord réticente à l'idée d'abriter l'enfant, la femme d'Osamu accepte de s'occuper d'elle lorsqu'elle comprend que ses parents la maltraitent.
Malgré leur pauvreté, les membres de cette famille semblent vivre heureux, jusqu'à ce qu'un événement inattendu ne révèle leurs secrets les plus terribles...