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Gerard Oberle
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Sur le modèle de l'Heptaméron de Marguerite de Navarre, sept journées, sept nouvelles rapportées par l'auteur à une amie et lectrice qui l'en a sommé dans la continuité des Bonnes nouvelles de Chassignet.
On va donc retrouver dans cet Heptaméron morvandiau le terroir cher à Oberlé, ses personnages fétiches Chassignet et Mireille Larroque, son goût des livres, de la bonne chère et du chardonnay (entre autres), et son style gouleyant.
Monsieur Justin Galmiche met en scène un érudit franc-comtois, petit prof mythomane et réactionnaire, qui s'est inventé un passé ministériel et un gouvernement fantasmatique et commente jour après jour, en ligne, les articles de Médiapart, tandis son épouse se distrait avec un gaillard qu'elle fait passer pour son frère.
Volodia: Un jeune homme, thésard au travail sur le thème de La mort chez les baroques français, débarque et s'incruste chez Chassignet. Celui-ci tolère un an cette intrusion avant de virer l'intrus. Plus tard, au Caire, Naguib Mahfouz dévoilera à Chassignet le destin tragique de Volodia, étrange dandy, "narcisse noir" mort de leishmaniose.
La Vengeance de Suzie Mangold: Dans une foire aux livres (Oberlé décrit ces manifestations avec une gouaille cruelle) l'auteur se voit offrir par une admiratrice des douceurs que Chassignet lui fait jeter. L'histoire: un auteur ami de Chassignet, Henri Schott, a échappé naguère par miracle à un empoisonnement consécutif à un tel cadeau d'admiratrice frustrée. Freux: Dans le goût des Oiseaux d'Hitchcock/Daphné du Maurier, deux histoires d'oiseaux vengeurs en cascade, la première montrant un chef hopi confiant sa vengeance contre sa femme blanche irrespectueuse à un rapace monstrueux, la seconde celle d'une colonie de corbeaux à l'encontre d'un braconnier qui a essayé de les empoisonner pour les faire taire.
Chablis: Rémy Labarre, écrivain raté et névrosé, s'identifie d'abord à Xavier Forneret, puis à un écrivain incarné au cinéma par John Gielguld et finira mort comme lui d'abus de chablis.
Mme Mathivat: Chassagnet, cavalier émérite, et Oberlé, moins émérite, fréquentent la ferme des Mathivat et montent leurs chevaux. Mme Mathivat, personnalité bovaryste, a trompé naguère son époux et rêvé de s'enfuir avec un certain Aimé Cazeneuve, lequel a fait faux bond lors du rendez-vous crucial. Rentrée penaude au logis, M. Mathivat ne doute pas que son mari ait lu la lettre qu'elle avait laissée en guise d'adieu. Il n'en a jamais soufflé mot, et le couple a vieilli dans l'harmonie. L'infidèle ne saura jamais que l'époux a proprement occis le séducteur.
Le Roi Bondoufle: Il s'agit là d'une brève fantaisie dans le goût et la lignée des Plaisirs du roi de Pierre Bettencourt, alias, Jean Sadinet.
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Petite nécropole littéraire : propos menus et badins sur quelques livres et auteurs tirés des oubliés
Gérard Oberlé
- Grasset
- Litterature Francaise
- 6 Avril 2022
- 9782246830412
Une centaine de chroniques instructives et surprenantes, écrites dans la langue savoureuse qu'on connaît à l'auteur, constituent un volume où le plaisir de lecture est constant. Il s'agit de chroniques parues de 2010 à 2021, dans Lire, devenue Lire-Magazine littéraire. Chacune d'entre elles évoque un ouvrage de la collection de l'auteur, choisi pour l'étrangeté de son sujet et souvent la biographie singulière de son auteur, les deux allant volontiers ensemble. Un livre très oberléen, comme on peut s'y attendre, d'une bibliophilie souriante, d'une érudition à la fois précise et bon enfant. Les ouvrages recensés sont des curiosités au sens large, sans être des curiosa, sauf exceptions. Ainsi, au fil des chroniques, de thème en thème, on passe de la recension d'un essai paru en 1800 sur Les combustions humaines produites par un long abus des liqueurs spiritueuses, phénomène sur lequel sont revenus en leur temps Dickens et Zola, à un roman de Ducos du Hauron, Les noces de Poutamouphis, publié par Poulet-Malassis en 1861 et racontant le mariage à Paris d'une momie égyptienne. Ailleurs, il est question d'orbilianisme, c'est à dire de la "médecine spirituelle" administrée jadis chez les jésuites par des fouetteurs spécialisés. L'ouvrage, anonyme, est de 1763 à Genève. Ailleurs encore, on croise un précurseur de Goethe, auteur des Aventures du docteur Faust et sa descente aux Enfers, Frédéric Maximilien von Klinger, qui fut aussi le dramaturge de Sturm und Drang ...qui donna son titre au mouvement romantique allemand.
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Claude Chassignet aime à penser qu'il a pour ancêtre improbable le poète baroque du XVI? siècle, Jean-Baptiste Chassignet. Épicurien et bibliophile érudit, il peut disserter à l'infini sur les vertus gustatives du porc, et sa passion pour les grands crus n'a d'égale que sa fringale sexuelle. Bref, Chassignet aime la vie. Il la dévore à pleines dents avec une frénésie que l'âge n'a pas atténuée.Sa sensualité exarcerbée s'épanouit surtout en Égypte où les corps sonnent au diapason de son coeur. La disparition, dans ce pays, de son ami le pianiste Denis Versenna va le conduire à mener une enquête riche en péripéties dans les lieux peu fréquentés par les touristes.Gérard Oberlé mène son récit à bride abattue et son humour noir fait merveille, y compris dans les situations les plus scabreuses. La trouble séduction de ce roman enchantera les lecteurs, bien au-delà des amateurs du genre.
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Ce sont trois récits dans lesquels on retrouve Chassignet, le personnage de mes trois premiers romans, un protagoniste perdu de vue depuis une quinzaine d'années. On y croise aussi quelques-uns des comparses de ses premières aventures.
La première nouvelle, la plus longue, nous ramène dans l'hôtel d'Assouan où Chassignet avait l'habitude de passer ses hivers. Une femme mystérieuse survient, qui va chambarder les routines du Morvandiau. Chassignet sera durablement ébranlé par le sort de cette femme fascinante que le destin a conduite vers les bords du Nil pour une ultime escale.
Dans la seconde nouvelle on fait connaissance avec un type tout aussi énigmatique, un bourlingueur qui a goûté aux délices des tropiques et essuyé de sacrés coups de tabac, avant de s'échouer dans une tribu kanak.
Dans le dernier récit on retrouve Chassignet aux États-Unis, auprès de son vieil ami Kenton. Il sillonnera les routes des états du Sud en compagnie d'un jeune Australien et tombera en panne dans un bled perdu peuplé de ploucs blancs racistes. Une aventure répugnante et comique. Si cette histoire était un film, les critiques parleraient de road movie et de buddy movie. J'ignore comment dire ça en français. Mais ce n'est pas un film. C'est une nouvelle (qualifiée de bonne par mon éditeur), ou plutôt une fable, un conte grotesque. Ce que je puis ajouter, c'est que cette aventure est véridique.
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Le Livre:
Henri Schott, un écrivain d'une soixantaine d'années à « l'âme charbonneuse », le corps amaigri par une maladie qu'il ne soigne pas, revient à Zornhof, un bourg situé sur le plateau lorrain, où il avait passé ses étés d'enfant. Qu'y retrouve-t-il sinon les illusions de la mémoire ? Pèlerin porté par la nostalgie d'un pays qui l'a fait tel qu'il est, homme des sentiments anciens, rebelle à la banalité du monde moderne, encore marqué par les rites paysans et la sévérité d'une famille de sabotiers, dont les « repas étaient aussi enjoués que ceux des fondamentalistes danois », Henri Schott flotte entre présent et passé. Il va rencontrer, au gré de son errance, différents personnages énigmatiques. De sa mémoire surgissent d'abord Baba, la grand-mère lanceuse de pierres et l'oncle Gus, au corps d'athlète sexuel, qui finira mal en « Ajax du ruisseau ». Comme les étapes initiatiques de son voyage d'hiver, il y a la blonde Marlène, qui tient l'auberge « Le chat rouge », à coups de lasso. « Fleur-de-bourrache déguisée en cow-girl », elle réchauffe un moment les os solitaires de Schott. Il y a aussi Mathias, le gitan, l'homme-loup qui n'aime rien tant que marcher dans les forêts vosgiennes, et partage avec Schott la même insoumission.
Infusé par la musique de Schubert, ce roman mélancolique, cette bouffonerie parfois, est un voyage immobile. Il a le rythme fiévreux de la danse macabre, le grinçant d'un dessin de Jacques Callot, le tempo lent des ombreuses forêts germaniques où se perd Schott. À la fin du livre, l'écrivain, comme apaisé, pourrait reprendre à son compte la mélodie de Schubert : « Je suis au bout de mes rêves / Pourquoi m'attarder parmi les dormeurs ? » -
Les fastes de Bacchus et de Comus
Gerard Oberle
- Belfond (réédition numérique FeniXX)
- 25 Août 2019
- 9782714488428
Cet ouvrage est une réédition numérique d'un livre paru au XXe siècle, désormais indisponible dans son format d'origine.
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Officiellement, ces chroniques de Gérard Oberlé sont consacrées à la musique, mais la musique ici n'est qu'un prétexte.
L'essentiel est ailleurs, dans les souvenirs, dans les rêves et les paysages que les notes font surgir. Avec ces textes, tour à tour burlesques, émouvants, nostalgiques, rosses ou tendres, ce franc-tireur propose un art de vivre, une façon contagieuse et revigorante de voir le monde, de fustiger la sottise bêlante, la vulgarité et le mercantilisme. Chroniques érudites sans être pédantes, humour bariolé, persiflages pertinents et impertinents : un plaisir de lecture.
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La prose d'Oberlé danse dans ce recueil de lettres mélomanes en provenance de ses arpents du Morvan : des textes brillants et superbement troussés, qui tournent en dérision l'air du temps, le monde actuel, notre époque où la musique est devenue un commerce, où la qualité de vie se détériore de jour en jour, et où la vulgarité prend le pouvoir. Parfois l'humeur est nostalgique et embrumée, parfois c'est une distribution de claques, un véritable championnat de badinage artistique. Chroniques érudites sans être pédantes, humour chafouin et bariolé, persiflages pertinents et impertinents : il y a chez Oberlé du Blondin, du Vialatte, du Bernard Frank.
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Roman d'érudition et de badinage en Arizona, Jazz, crotales et tequila !
Palomas Canyon est le troisième roman dans lequel Gérard Oberlé relate les vadrouilles de Claude Chassignet, un personnage qui nous avait déjà entraînés en Égypte (Nil Rouge), puis en Turquie (Pera Palas). " Je ne suis pas un voyageur, je suis un fugueur [...] je n'ai plus vingt ans mais ces cavales ressemblent encore aux bordées de ma jeunesse... ", confesse volontiers Chassignet.
S'il quitte une fois de plus sa thébaïde du Morvan, c'est à l'invitation de Tom Kenton, un ami d'enfance, pour chasser la caille et la palombe dans les canyons d'Arizona, près de la frontière mexicaine. Au cours d'une balade, les deux amis découvrent sous le mesquite un objet d'une indécente bizarrerie. L'histoire commence comme un conte de Perrault, version quelque peu Cucaratcha, pour virer peu à peu au noir, dans une atmosphère qui n'est pas sans rappeler celle de La Soif du Mal d'Orson Welles. Roman à la fois sombre et lumineux où l'on croise le meilleur et le pire d'une humanité exilée " à la frontière ", livre de nostalgie et de colères, d'érudition et de badinages, charpenté par de nombreuses références littéraires, musicales et cinématographiques. Jazz, crotales et tequila ! Mais Palomas Canyon est aussi un livre d'amitié, car sous les traits de Tom, on devine facilement ceux d'un ami très proche de l'auteur, un célèbre poète et romancier américain. -
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De longtemps, je chéris les livres, les vins, les cigares, les chiens et les vauriens. Jamais je n'ai eu à me plaindre de ces préférences, car j'ai largement été payé de retour, ce qui n'eût peut-être pas été le cas si je m'étais passionnément adonné aux duchesses, minets, cigarettes, whiskies et petites sauterelles. Que votre maman vaque en paix, adorable Emilie, aujourd'hui je me bornerai à vous transmettre le virus des livres.Pendant plusieurs années, Gérard Oberlé a correspondu avec Emilie, jeune élève d'un collège dans lequel il était venu présenter ses livres.
Lettre après lettre, sur un ton bienveillant, intime et complice, l'écrivain aborde à sauts et à gambades toute sorte de sujets : ici l'amour, là le tutoiement, là encore le latin, le gigot ou l'été...
Ce sont des leçons de vie, des lettres sur le vice, c'est une éducation facétieuse et un autoportrait éclaté.
Un roman épistolaire hubilatoire. -
« Les esprits sérieux penseront que pareilles fantaisies ne méritent pas d'être rapportées par écrit. Je leur répondrai que mon récit n'est rien d'autre que bavarderie et digressions, autrement dit vagabondages de geai ou de pie sur les sentiers d'à côté. Quand mon héritier flânera dans vingt ou trente ans dans ces cahiers, il feuillettera ses souvenirs d'enfant et se souviendra de moi en souriant ». Marc-Antoine Muret a vécu « deux vies de même durée, mais fort dissemblables, car la seconde fut comme l'antithèse de la première ». Humaniste, professeur, maître de Montaigne et orateur des Papes, il fut aussi hédoniste, poète, grand amateur des plaisirs charnels - ripaille et lupanar. Muret raconte son amour pour toutes les nourritures terrestres, évoque l'esprit de la Renaissance, ses amis de la Pléiade, les réjouissances inspirées de l'Antiquité. Il rencontre, au gré de son errance, une foule bigarrée de personnages hauts en couleurs, gentilshommes et canailles, femmes savantes et courtisans. Dans ce siècle baroque (XVIème siècle), l'Europe renaît ! Mais l'Europe vit aussi avec ses vieux démons, la morale exigeante et les guerres de religion. Marc-Antoine Muret traverse le meilleur comme le pire, mais reste toujours fidèle à ses principes : « Le plaisir était mon idéal, jouir était ma loi ». Entre élégance du style et jargon coquillard, bacchanales et rites phalliques, la liberté grivoise et l'érudition vive, jamais pédante, de ces mémoires sont contagieuses. Un roman admirable, plus moderne qu'il n'y paraît : la passion amoureuse d'un homme pour un autre, chassé de Toulouse, condamné au bûcher, forcé de fuir Paris pour Rome.