«Officier dans l'armée française, je me trouvai au siège de Saragosse. Quelques jours après la prise de la ville, m'étant avancé vers un lieu un peu écarté, j'aperçus une petite maisonnette [...]. Je frappai à la porte, mais je vis qu'elle n'était pas fermée. Je la poussai et j'entrai. [...] j'aperçus par terre, dans un coin, plusieurs cahiers de papier écrits. Je jetai les yeux sur ce qu'ils contenaient. C'était un manuscrit espagnol; je ne connaissais que fort peu cette langue, mais, cependant, j'en savais assez pour comprendre que ce livre pouvait être amusant:on y parlait de brigands, de revenants, de cabalistes, et rien n'était plus propre à me distraire des fatigues de la campagne que la lecture d'un roman bizarre. Persuadé que ce livre ne reviendrait plus à son légitime propriétaire, je n'hésitait point à m'en emparer.»
" les apologues que potocki a inclu dans ses relations de voyages vivent d'une vie autonome ; ce sont des petits bijoux littéraires introduits par l'artifice traditionnel d'une réunion où un conteur s'adresse à ses interlocuteurs.
Ces contes, dans leur vivacité et leur élégance, dans leur discrétion raffinée qui tend à " s'épancher plutôt que se répandre ", nous offrent, mieux encore que le voyage, un avant-goût du manuscrit trouvé à saragosse. les belles ensorceleuses sont déjà bien proches des deux soeurs qui obsèdent van worden. il règne ici une morale et une analyse du plaisir fondées, encore une fois, sur l'ambiguïté. " (daniel beauvois)