Mme Lure est une vieille femme comme on en croise sans les remarquer. Dans l'appartement de son mari disparu, elle maintient chaque chose à sa place, tranquille et pour toujours. Elle évite tout souvenir, mais rêve grâce aux brochures de voyages qu'elle étale sur la table de la cuisine. Yvonne Lure entre dans les photographies, y sourit, y vit.
Un jour, surprenant les doigts voleurs d'un jeune homme dans le grand magasin, elle se met à le suivre de façon irréfléchie jusqu'à son campement, sous l'arche d'un pont.
Qu'ont-ils en commun, Yvonne, celle qui garde, et Vargas, l'errant ?
D'une écriture forte et lumineuse, Jeanne Benameur capte comme jamais les destins obscurs de deux parias innocents, tissant entre eux des liens intenses. Ressuscitant des pans de mémoire palpitante, elle aiguise le vide en chacun de nous.
Elle aurait voulu être une bête, au moins ça aurait été clair. Elle est juste professeur de la vie et de la terre, mais il n'y a plus de vie il n'y a plus de terre sous ses pieds quand son amant part. Alors au collège, elle n'y va pas. Qu'est-ce qu'elle enseignerait, hein ? Son corps enseignant, il est ici. Son intelligence, sa patience, son savoir, tout pourrit sans caresse. Elle se racornit comme les feuilles de certaines plantes quand elles manquent d'eau. Elle peut juste attendre qu'il revienne ou qu'elle reparte le voir. Toute la vie suspendue dans l'intervalle. Sans son corps, elle ne peut pas enseigner. C'est comme ça. Elle n'a de tête que si tout le corps vit. Et elle a beau essayer de penser autrement, elle n'y arrive pas. Elle pense par la peau. Son corps la mène dans la vie et elle découvre un gouffre. Le corps peut manquer à l'appel. D'une écriture incisive et empathique, Jeanne Benameur brosse le portrait de tous les acteurs d'un collège de banlieue avant les émeutes, questionnant leur présence vive. Avec émotion, elle débusque les symboliques occultées du monde scolaire et les drames intimes de chacun : une brèche s'ouvre pour une pédagogie à rebours de tous les tabous.
Leurs trois coeurs sont collés ensemble. Et ça bat. Ils sont devenus cette étrange chose vivante.
Un camion de cirque débarque un jour de neige trois hommes sur le bord d'une route : Hésior, le magicien, Zeppo, le clown, et Nabaltar, le soigneur de fauves. Ils vivent là, dans une ancienne cabane de chantier, en désaccord avec le temps. Mira, leur amante, est morte. Que subsiste-t-il de cette trapéziste extraordinaire, qui leur permettait l'envol sur terre ? Des ballerines usées, un dernier costume de scène, précieusement conservés dans un coffre : leur trésor. Avec ces restes, les trois amants fabriquent de fausses reliques de la femme aimée et les enfouissent au pied d'une église ou d'un arbre, parfois d'une maison...
D'une plume délicate et visionnaire, Jeanne Benameur restitue l'univers de trois hommes en marge de tout, unis par un amour fou, sauvage, tout-puissant pour une même femme. Par la grâce d'un imaginaire brûlant, ils mettent en scène leurs propres rituels contre la mort, touchant en nous une dimension sacrée et archaïque de l'amour humain...
La mère, La Varienne, c'est l'idiote du village.
La petite, c'est Luce. Quelque chose en elle s'est arrêté. Pourtant, à deux, elles forment un bloc d'amour. Invincible. L'école menace alors cette fusion. L'institutrice, Mademoiselle Solange, veut arracher l'enfant à l'ignorance, car le savoir est obligatoire. Mais peut-on franchir indemne le seuil de ce monde ? L'art de l'épure, quintessence d'émotion, tel est le secret des Demeurées. Jeanne Benameur, en dentellière, pose les mots avec une infinie pudeur et ceux-ci viennent se nouer dans la gorge.
" J'essaie une histoire d'amour, puis une autre, une autre encore, comme des vêtements jamais ajustés.
J'ai beau chercher celui qui me liera à lui, je ne sais pas demeurer. Tout est à l'envers, je ne reconnais pas mon coeur. Et pourtant il bat. " D'où lui vient ce peu de faculté à l'amour, elle qui en fille tenace accumule les fiascos. Décidée à comprendre, elle invoque ses amants. Attendrie par leur myopie, amusée par leurs mensonges, elle prend le parti d'en rire. N'est-ce pas le meilleur chemin pour atteindre la blessure enfouie : ce père - central mais en creux - trop vite parti, jamais quitté.
Cet homme qui éclipse tous les autres et sans lequel elle doit apprendre à vivre. Grave et drôle comme toute éducation sentimentale, Un jour mes princes sont venus nous livre une vision enjouée et profonde du sentiment amoureux.