Mathieu Brosseau travaille une prose dynamique, « qui tend vers le flux ». Il creuse les questions du corps, de l'identite´, du temps, de l'animalite´, du de´sir ou encore du de´nai^tre. Pour lui, « dire la chose en train de se faire, quand le dire est la chose en train de se faire. Incarner cette vie augmente´e. C'est poe´sie. » L'Exercice de la disparition est un ensemble de poe`mes hallucine´s polymorphes et foisonnants dont on comprend et ressent l'e´volution et l'unite´ au fil des mots.
Mathieu Brosseau nous incite a` voyager a` travers le temps pour atteindre nos fondements, avant me^me nos perceptions et repre´sentations. A` force de casser notre boussole litte´raire, de surprise en tournure, de vision en pirouette, il y parvient.
Quand M. est un beau jour repêché par un cargo en pleine mer, ni lui ni personne ne sait qui il est, ni ce qui l'a mené ici. Muet et amnésique, il trouve un emploi dans un service de courriers non adressés à la poste et semble progressivement recouvrer la mémoire ainsi que le langage par l'intermédiaire des lettres qu'il lit et classe toute la journée. Cette découverte de lui-même, de son histoire, celle d'un être confronté à la di culté d'incarner à la fois son corps et son verbe, et condamné dès sa naissance à une mystérieuse seconde de retard, va le mener jusqu'à la source de ses crimes - réels ou illusoires - et de sa propre disparition.
Une jeune femme est enfermée pour des raisons obscures dans un asile d'aliénés, au centre d'une ville sans nom. C'est La Folle. Nuit et jour, elle voit une masse chaotique en plein ciel, sorte de Big Bang qui met à mal les lois admises de l'espace et du temps. Aidée par un interne en médecine, elle s'évade et part à la rencontre de sa soeur jumelle, qu'elle n'a pas vue depuis des années.
Quête abracadabrante, délire gorgé de sens aussi construit qu'éruptif, roman politique autant que métaphysique, Chaos fuse débridé vers l'inconnu et le rêve fulgurant d'une femme hors-sol.
Quelle place la poésie occupe-t-elle aujourd'hui dans nos vies ? Il semblerait que la prose l'emporte à bien des égards. Il n'y a qu'à voir le nombre de romans et de nouvelles publiés chaque année. A côté, les vers font grise mine. Et pourtant...Il est des recueils qui nous rappellent que la poésie fait partie de l'essence de l'Homme. Surfaces, Journal pérpétuel, dernier recueil de Mathieu Brosseau est de ceux-là.
L'expérience poétique de la transfiguration du réel...Le langage comme expression la plus haute de la pensée...S'il s'agit d'un Journal, c'est bien parce que le point de départ de cette écriture est l'expérience du quotidien...Expérience d'un homme parfois en proie à des démons intérieurs féroces Au réveil je m'aperçois qu'un nouvel habitant déambule / Dans ma tête. Mais cette expérience, loin de s'individualiser, tend au contraire à s'universaliser. La puissance du verbe permet d'étendre l'expérience dans un espace-temps qui ne connaît plus de limites, un espace-temps perpétuel. C'est en cela que la poésie de Mathieu Brosseau nous touche. Elle parvient à traduire les signes de l'expérience en signes éternels, dans le monde des Idées. Le poète est le traducteur de hiéroglyphes présents en chacun de nous.
Le poète se place en dehors du monde parce que, par la puissance du verbe, du verbe tactile, il invente un nouveau langage. L'extraordinaire de l'entreprise est que jamais cette langue nouvelle n'exclut le lecteur. Elle l'intègre, avec lui, hors du monde, dans d'autres sphères, et le monde s'abstrait.
Nous retrouvons ici des figures de L'Aquatone, premier recueil de Mathieu Brosseau mais la langue poétique de ce jeune auteur s'épure, le rythme s'affirme, cette rythmique temporelle omniprésente, obsédante. Surfaces, Journal perpétuel est le deuxième volet d'un triptyque qui s'achèvera avec Les Aériennes. L'entreprise poétique de Mathieu Brosseau dessine un mouvement évidemment ascendant parce que la Poésie, si elle parcourt les fonds aquatiques et secrets de chacun, n'en est pas moins destinée à l'éther des cieux. C'est à la surface que s'articulent, de manière parfois presque indicible mais jamais inaudible, des mondes qui n'en forment qu'un.
Mathieu Brosseau : « Ce livre décline l'ensemble des facteurs et mesures qui me font écrire et amènent l'être à la création. «Uns» comme pluralité des solitudes, «Uns», comme expression du noir qui sépare nos espaces de vie, «Uns» comme communauté invisible dont nous ne formons qu'un élément, une clé ouvrant droit à l'espérance d'une improbable parole universelle. Uns est un violent exercice de désappropriation de la parole. L'humain étant une question civilisationnelle, Uns pose les marqueurs de ce qui est propre à tous, quelque soit la culture que nous occupons et qui nous occupe ».
Un recueil sur le désir humain. L'Animal central évoque par ellipses le processus du désir, de son surgissement primitif à son élaboration complexe.
Ici se chevauchent le profane, le sacré et la folie : du big bang du désir à son sacre. En découle une alternance de tons, de rythmes et de lexiques : marque d'une pensée en train d'être vécue ou d'une vie en train de (se) penser.
Le désir est au fondement de notre être. Et c'est par la poésie que Mathieu Brosseau tente ici d'approcher ce désir, ce « là », à la fois dans son mouvement et dans ce qu'il est, originairement.
Bien qu'interrogeant des thèmes fondateurs, la poésie de Mathieu Brosseau n'en demeure pas moins habitée - voire possédée - par la chair. Cette poésie reste infiniment mélodique par sa syntaxe aux spirales multiples.
Dans Ici dans ça, l'auteur s'aventure vers un système de dualismes impérieux où émergent deux couples irréconciliables bien que totalement imbriqués : le temps et l'espace, l'aliénation et la liberté. Dans le constat de cette confrontation, Mathieu Brosseau impose sa poétique rageuse, parfois iconoclaste, souvent soucieuse de l'ordre des symboles. Et s'il fallait violenter les cadres imposés par la langue pour accéder enfin au réel ?
Ici dans ça s'interroge sur la place que nous occupons, contraints mais libres, dans un lieu dont nous percevons les signes sans entendre jamais la pleine magie de leur signification ni de leur puissance sur le monde. D'où cette formidable impression de vertige.
Cet ouvrage à trois voix interroge le statut de l'animal central. Concept à la limite du concept, il rencontre la question de l'altérité, du désir, de ce qui insiste sous la construction des territoires de la pensée. en son surgissement, Il décentre le lieu de l'homme et instaure de nouveaux liens entre habitants du cosmos. L'animal est peut-être toujours central. Implosé en chaque épiphanie d'un réel pluriel. Et pourtant toujours infiniment périphérique. Abordée suivant les modes du désir-vie, du chaossuaire et du bestiaire synchromécanique, la figure sans visage - organique et orgastique - de l'animal central se déploie jusque dans le là. Entre philosophie et littérature, la poétique défaite de l'animal enfoui s'extirpe d'un peu de ses sédiments.