Londres, dans les dernières années du xviiie siècle.
Nous sommes conviés à suivre l'ascension d'une gamine partie du ruisseau mais que son intelligence et sa volonté vont porter au premier rang : jusqu'entre les bras du duc d'york, fils du roi et chef des armées de l'angleterre en lutte contre napoléon. trahie, elle défraiera la chronique à la faveur d'un procès mettant en cause son royal amant, sera traînée dans la boue par les bien-pensants, se battra la rage au coeur pour faire reconnaître ses droits.
Daphné du maurier n'est jamais si bien inspirée que lorsqu'elle traite un sujet qui la touche de près. de mary anne clarke, qui fut sa trisaïeule, l'histoire nous apprend qu'elle fut l'une des grandes courtisanes de son temps ; et qu'elle incarne en son siècle l'une des formes les plus pathétiques de la révolte féminine.
Son aventure - celle d'une femme dressée de tout son haut contre l'hypocrisie de son époque - est pour la romancière l'occasion de composer l'un de ses livres les plus ambitieux, le plus émouvant peut-être.
Quel rôle reste-t-il à la femme quand les hommes sont en guerre ? c'est à cette question, vieille comme homère.
Que répond ce roman violemment secoué par l'histoire (nous sommes dans l'angleterre du xviie siècle, en pleine guerre civile). un livre publié en 1945 et composé dans l'urgence. au sortir d'une tout autre guerre. soit une sorte de récit de cape et d'épée subtilement dévoyé. l'héroïne en est une femme, et les hommes - même quand ils sont dans le " bon camp " - sont loin d'y avoir le beau rôle. mieux (ou pis), la jeune femme en question, qui cultive un goût de la liberté ignorant toute entrave, se trouve dès le début du livre et jusqu'à la fin de tout condamnée à l'immobilité d'un fauteuil d'infirme.
Une troublante méditation sur la fidélité et l'honneur, qui poussés à leur extrême n'hésitent pas à courir le plus beau risque : celui de l'indignité. l'un des plus grands du maurier.
Le secret des soeurs Brontë ? Leur frère Branwell. La clé de leur précocité inouïe, de leur imaginaire étrangement porté vers toutes les fièvres ? Branwell encore. Leur lien ? L'amour jaloux quelles ne cesseront de vouer à ce frère maudit mais préféré à elles, qui leur avait insufflé son génie et qui, parvenu à l'âge adulte et avant depuis belle lurette brûlé toutes ses cartouches, n'eut plus que la force de se détruire (le beau et inoubliable Heathcliff des Hauts de Hurlevent, c'est lui). Branwell est le prince des Brontë. Déchu, car ses soeurs, elles, peuvent mettre en oeuvre leur talent quand lui peine à créer. Il est le grand sacrifié des Brontë, la part d'ombre de cette famille. L'ouvrage de Daphné Du Maurier (1960) est à la fois une étude formidablement documentée et le plus troublant des romans vrais.