Rien n'est plus grave que l'acte photographique. Pour un écrivain, s'y livrer c'est signer chaque fois un « départ d'orgueil ». C'est aussi abandonner à tout bout de champ les simulacres et les stratégies, échapper à la contrainte des persuasions, à la subtilité obligatoire des enchaînements. J'ajouterais même : au savoir-faire, si je n'étais sûr du contraire, sûr qu'il s'agit là d'un leurre qu'on rajoute tous les jours au débat sous une forme différente. Tout gain de liberté (et chaque instantané photographique en gagne) va de pair avec une augmentation de savoir-faire. C'est ça qui fait le style. Et c'est le vertige éprouvé à leur course commune, au sursaut qu'ils font sur l'abîme, qui définit bien sûr cet art.
D'où l'importance accordée tout au long de ce livre ? par le biais d'approches voulues aussi diversifiées que le sont l'essai, l'interview, la fiction, le journal intime, ou encore une série de photos commentées comme autant de schémas pensifs ? à la prise photographique elle-même, moment de sensation éperdue qui dit textuellement ceci : toute photo est une intelligence qu'épuise une lumière.
Les lucioles disparaissent peu à peu, cantonnées dans quelques réduits occasionnels de la nature. Mais tandis que ces charmants animaux à la lumière se font rares, nous autres photophores prenons le relais. La fabrication des photos ne laisse rien dans l'ombre, et surtout pas l'instant de folie pure qu'abrite le déclenchement de la photo.
Devant la gravité de telles certitudes, l'écrivain que je suis est renvoyé à la solitude, à l'angoisse, à la pénombre de sa durée. Mais à la beauté aussi, circulant entres elles et lui, qui valait bien le voyage.
Chaque photo répète la phrase de Proust : « Nous disions : après, la mort, après, la maladie, après, la laideur, après, l'avanie ».
On verra bien.
Denis Roche.
« Au printemps 74, je disposai autour de ma machine à écrire les quatre à cinq cents feuillets de ce que j'appelais mon « ensemble rongeur » et j'y allai une dernière fois, dans une langue de vent violent où j'eus beaucoup de peine à ne pas être tué, agité d'un vaste désespoir de danse, de musique et de nudité. » DR.
« Poésie/Gallimard » est une collection au format poche de recueils poétiques français ou traduits. Chaque volume rassemble des textes déjà parus en édition courante - tantôt du catalogue Gallimard, tantôt du fonds d'autres éditeurs -, souvent enrichis d'une préface et d'un dossier documentaire inédits. Élégant viatique pour les amateurs de poésie, la collection offre des éditions de référence, pratiques et bon marché, pour les étudiants en lettres. Aujourd'hui dirigée par André Velter, poète, voyageur et animateur de plusieurs émissions sur France Culture, la collection reste fidèle à sa triple vocation : édition commentée des « classiques », sensibilité à la création francophone contemporaine (Guy Goffette, Ghérasim Luca, Gérard Macé, Gaston Miron, Valère Novarina...) et ouverture à de nombreux domaines linguistiques (le Palestinien Mahmoud Darwich, le Libanais d'origine syrienne Adonis, le Tchèque Vladimír Holan, le Finnois Pentti Holappa, le Suédois Tomas Tranströmer et récemment l'Italien Mario Luzi, deux mois seulement après sa disparition...).
À la fin des années 1970, Denis Roche commence à s'intéresser à la forme brève et fragmentaire de l'écriture à travers une pratique quotidienne. Tout en se questionnant sur la valeur littéraire d'un tel projet, il entreprend d'écrire ce qu'il nomme des « essais de littérature arrêtée » : une douzaine d'ensembles textuels écrits sous forme de journal. Rédigés à la première personne, en une prose dénudée et épurée et en entrées datées, les « essais de littérature arrêtée » relatent souvent les détails de l'existence privée et intime de l'auteur tout en interrogeant le processus de création littéraire en lui-même. Cette expérience littéraire se construit en parallèle de sa pratique de la photographie : « la photographie est-elle un journal intime ? ».
C'est au retour d'un voyage au mois de juillet 1984, avec son épouse Françoise Peyrot, au Sacro Monte de Varèse (classé au patrimoine mondial de L'UNESCO), aussi appelé « Fabrique du Rosaire », que naît le projet À Varèse. L'alternance de textes et de photos se fait par les ellipses qui permettent la création de cette succession discontinue de l'écriture.
Ainsi Denis Roche nous présente un texte avec une grande cohérence interne malgré son apparente construction fragmentaire.
C'est une histoire de la photographie éminemment personnelle que nous propose Denis Roche (1937-2015) photographe, écrivain et poète. Cent photographies, cent textes, qui composent un parcours, de Nicéphore Niepce à Bernard Plossu, en passant par les plus grands artistes mais aussi par quelques inconnus, dénichés dans des boîtes en carton ou des albums de famille. Ici, rien n'est dû au hasard, chaque image ayant été choisie avec lenteur et discernement, chaque texte, dans la vie de l'artiste, dans le moment photographique. On apprend beaucoup à la lecture de ces textes et, plus que tout, on apprend à regarder la photographie.
« Je voulais faire le tour de ma table, aller ouvrir ma bibliothèque vitrée, sortir un appareil photo, n'importe lequel, dévisser l'objectif qui serait dessus et plonger mon regard dans le creux du boîtier à la recherche de ce trouble et de cette douceur que la mélancolie de cet art y mise depuis le début. » Paru en 1999 aux éditions Hazan, Le Boîtier de mélancolie est devenu un livre mythique, un ouvrage unique, dans lequel Denis Roche écrivain rejoint Denis Roche photographe.
Cet ouvrage a reçu le prix André Malraux décerné à une création artistique représentant le thème de l'engagement.
Denis Roche était l'homme de la fulgurance. De la vie et de la littérature il attendait cela : des éclats de beauté, de vérité. Les pages de ce livre, son Journal inédit, qu'il avait rassemblées et qui sont d'une densité impressionnante, témoignent dans leur originalité de cette quête incessante, de ce désir toujours inassouvi.
Poète, prosateur, inventeur de formes, photographe, l'auteur de Louve basse y interroge l'excitation de la création, l'étrangeté du rêve, l'enchantement des paysages et des corps, le plaisir des lectures vagabondes, poursuivant ainsi sa tentative jamais accomplie d'arracher le temps qui fuit à l'oubli et à la mort. Peu à peu se dessine en contrepoint la rassurante complicité amoureuse d'un couple, une complicité intellectuelle, artistique, sexuelle.
Temps profond, journal des années de grande activité créatrice de Denis Roche, prend place dans son oeuvre comme la dernière pièce du puzzle, celle qui lui donne, par sa simplicité trompeuse, toute sa cohérence et qui nous invite à suivre ce qu'il appelle « le délicieux cheminement des géomètres invisibles ».
Un très bel ouvrage pour découvrir ou redécouvrir l'un des photographes majeurs de notre siècle.
Le livre de Denis Roche que publie lamaindonne sous le titre Les Nonpareilles regroupe un ensemble de 60photos - dont une quinzaine d'inédites - qui témoignent du goût de ce grand photographe, disparu en 2015, pour l'expérimentation visuelle. Cet ouvrage déborde largement la traditionnelle approche de son oeuvre, souvent réduite à l'autobiographie et tranche par son parti pris de mise en page: photographies présentées la plupart du temps seules, en pleine page et à bords perdus, choix graphique permettant de mettre en avant les qualités formelles de ces oeuvres. Ce livre montre comment la filiation constante de Denis Roche avec les avant-gardes photographiques et picturales et sa remise en question des codes habituels influencent sa façon d'envisager la prise de vue: formalismes des nus, reflets, angles et perspectives, choix de 2 contacts successifs, etc...Une mise en pratique de ce que Denis Roche appelait «l'impérieux besoin des structures, des lignes et des formes» sans jamais renier la part jubilatoire, le surgissement de l'inattendu, ou la charge sentimentale de l'acte photographique.
Après plus de trente-cinq années de pratique photographique, et un certain nombre d'écrits qu'il a consacrés tantôt aux photographies des autres, tantôt à ses propres images, il revenait à Denis Roche de tracer non pas le bilan, mais le parcours, l'itinéraire, de la manière la plus chronologique possible, d'un artiste qui va lier sans cesse, en les approfondissant, l'autobiographie et la réflexion sur l'acte photographique, le hasard de la prise de vue et l'inconscient au travail.
Il s'est avéré que la meilleure façon de le faire était de recourir à l'entretien, d'abord parce que les questions de Gilles Mora étaient souvent inattendues et, quelquefois, dérangeantes. Ensuite parce que la parole , ainsi soumise au dialogue, se révèle plus libre et que, dans sa flexibilité, elle permet de faire sauter quelques verrous, sur l'intime, par exemple, et son rapport quasi obsessionnel avec la mort, ou bien encore sur la tentation de ce que Denis Roche lui-même appelle « la dernière photographie ».
On y verra aussi percer, çà et là, l'écho - c'est lui qui le dit - d'une autre recherche, d'un autre approfondissement, purement littéraire celui-là, qui serait, lui aussi, interminable.
La poésie est inadmissible regroupe toute l'oeuvre politique de Denis Roche et rien qu'elle, accompagnée des divers avant-propos et préfaces des éditions originales. Il n'y pas de variantes ; ni d'inédits, parce qu'il n'en existe pas. L'oeuvre, close une fois pour toutes en 1972, se décompose ainsi:
Forestière amazonide (1962).
Récits complets (1963).
Les Idées centésimales de Miss Élanize (1964).
Éros énergumène (1968).
Dialogues du paradoxe et de la barre à mine (1968).
Préface aux 3 pourrissements poétiques (1972).
Le Mécrit (1972).
C'est dans Le Mécrit que se trouve la séquence de onze poèmes intitulée La poésie est inadmissible, d'ailleurs elle n'existe pas.
Ce livre intitulé Aller et retour dans la chambre blanche, réunit un ensemble d'une cinquantaine de photographies dont certaines inédites, commentées de la main de l'artiste et issues du livre La disparition des Lucioles paru en 1982, ainsi que d'autres, iconiques ou moins connues, mais qui relèvent toutes d'une même logique du déplacement.
Cette relation au déplacement à l'oeuvre dans les photographies présentées intervient ainsi dans le déplacement physique de Denis Roche, entre l'ici (le lieu où il appuie sur le déclencheur) et l'ailleurs (l'endroit où il n'est pas ou plus), comme dans la manipulation de son appareil photographique qu'il n'hésite pas à retourner ou à détourner de ses usages, de ses cadrages habituels ou de sa qualité signifiante. Cet appareil, récurrent dans bon nombre de ses photographies, peut alors s'envisager comme une extension et une incarnation de l'artiste, ou bien encore comme un questionnement de l'acte photographique. Au-delà de ce seul déplacement physique, ce déplacement apparaît également dans sa dimension temporelle, entre rapprochement ou espacement des prises de vue, dans la distance entre le temps vécu et le temps représenté, comme dans le transfert du regard du photographe à un instant donné à celui d'un regardeur à un tout autre moment.
L'écrivain dira toujours, je dirai toujours : «allons ailleurs », mais, où que ce soit, l'étonnant paysagiste de l'histoire, inquiet comme une grue qui ne reconnaîtrait pas son marais, où qu'il se retrouve, se retournera dans ses phrases et s'y frottera peut-être le ventre comme un chien ; bien sûr qu'il est partout chez lui les faits et les entrechocs, les chants tous plus invraisemblables, les guerres, les coûts les plus renversants, l'odeur forte qui flotte sur les gués et toutes les distinctions de la pensée, tout, bien sûr, se rameute et n'a de cesse de lui courir après. On dira : «c'est son style », mais croyez-vous vraiment? Comment être aujourd'hui dans un moment tel, en littérature, que ce soit comme entre Cicéron et Marc-Aurèle où, les dieux étant morts et Jésus-Christ n'étant pas encore, «l'homme seul a été»? Veillez à cela : à l'orgueil de se regarder s'en allant.
A partir d'un corpus composé d'oeuvres des écrivains Russell Banks, Raymond Carver et Bret Easton Ellis et des cinéastes David Cronenberg et David Lynch, s'appuyant sur les écrits de J. Butler, Foucault, Freud, Lacan, Ricoeur, Charles Taylor, C. Rosset et J.-M. Schaeffer, l'auteur propose dans cet ouvrage une réflexion sur la notion de"malsain". L'auteur s'interroge sur la pertinence de cette métaphore médicale, sur les raisons qui poussent le sujet à "consommer" des fictions au contenu scabreux et sur la possibilité de distinguer l'art du symptôme.
"Il me fallait, non pas remonter le cours de cette histoire, mais le descendre, de sa source unique jusqu'aux ramifications dernières de son estuaire, avec ma façon de regarder et ma manière d'écrire, avec des choix qui ne relevaient en rien de la science des historiens ou de la position du critique, mais au gré de ma fantaisie, de mes goûts et de mes opinions, en suivant les méandres du parcours sans chercher à en justifier le dessin.
En d'autres termes, je voulais faire le tour de ma table, aller ouvrir ma bibliothèque vitrée, sortir un appareil photo, n'importe lequel, dévisser l'objectif qui serait dessus et plonger mon regard dans le creux du boîtier à la recherche de ce trouble et de cette douceur que la mélancolie de cet art y a mise depuis le début." D.R.
Le voyage mexicain, livre mythique de Bernard Plossu paru en 1979 est enfin réédité dans sa version originale accompagné de Jungle, un livre inédit de photographies couleurs qu'il réalisa à la même époque lors d'une expédition dans la jungle du Chiapas mexicaine.
L'ensemble ainsi constitué révèle comment un jeune homme d'à peine vingt ans, amateur de cinéma d'auteur et de films grand public met spontanément en place dès ses débuts de photographe une esthétique personnelle sans rien connaitre des photographes importants de son époque. Et dans le même temps, que ce soit sur la route à travers l'approche poétique du Voyage mexicain ou narrative de Jungle, on sent que tout est déjà en place : la conscience de son devenir d'auteur et son approche conceptuelle à travers les livres conçus comme des oeuvres à part entière.
Les deux ouvrages tirés à 1000 exemplaires vendus exclusivement ensemble sont présentés dans un fourreau.
Le voyage mexicain, préface de Denis Roche C'est un témoignage optimiste de la beat génération, une rupture dans l'histoire de la photographie avec des cadrages à l'opposé de la tradition française, des images qui nous en disent autant sur le photographe que sur le pays traversé. La critique fut enthousiaste à la sortie de ce petit livre en 1979, et son auteur qualifié de « Robert Frank heureux ». Dans sa mémorable préface Denis Roche explique ce qu'est la liberté de la photographie qui permet qu'un savoir et une esthétique soient mystérieusement spontanés comme chez Bernard Plossu.
Jungle, textes de Bernard Plossu et Claude Nori Début 1966, Bernard Plossu qui n'a que vingt ans est engagé comme photographe dans une expédition anglaise à la recherche d'un temple maya. Ce sera pour lui une façon d'améliorer sa technique mais aussi l'art de la débrouille et de la survie au contact d'une nature souvent hostile avec les quatre autres jeunes membres de l'expédition. Il tiendra tout le long de cette expérience, un journal dont des extraits sont publiés dans l'ouvrage, donnant à cette approche de son périple mexicain une dimension aventurière.
Dans la vieille Packard 50, on file vers Guanajuato, dans l'infini de l'espace, des routes, dormant n'importe où autour d'un feu sous les étoiles, réveillés par les paysans, déjeunant dans les marchés ou les cantinas, dansant, chantant partout, bavardant avec des vieillards aux chapeaux de paille esquintés par le temps... ».
Une oeuvre fondatrice de la pensée marxiste. Son introduction constitue un ouvrage à part entière ; elle est, en France, habituellement édité de façon indépendante.
Contexte :
En 1846, Marx comme Engels se trouvent à Bruxelles, terre d'asile de nombreux réfugiés politiques. Leur collaboration débute cette année-même, pour ne s'achever qu'en 1883, date de la mort de Marx.
L'oeuvre :
Si certains passages de L'idéologie allemande sont particulièrement polémiques, et visent directement plusieurs ressortissants de la pensée allemande, tels que Bruno Bauer, Karl Grün ou encore Max Stirner, la première partie du tome I, « Feuerbach », expose les principes de ce qu'on appellera, plus tard, le « matérialisme historique », et adopte un ton plus posé.
Les concepts clés :
L'idéologie.
Le communisme.
L'histoire.
La production.
L'individu...
La collection Intégrales de philo, une approche complète et approfondie d'une oeuvre essentielle.
Une oeuvre commentée par des spécialistes.
Des dossiers autour de l'oeuvre.
Plus de trente titres.
4 périodes : Antiquité, Moyen Âge et Renaissance (Ve - XVIe s.), période moderne (XVIIe - XIXe s.), période contemporaine (XXe s.).