À Cuernavaca, près de Mexico, Eduardo se voit infliger un travail d'in- térêt général original suite à un retrait de permis : faire la lecture à des particuliers. Un jour, il s'aperçoit de la mystification des frères Jiménez, à qui il lit Crime et Châtiment : Luis, invalide, s'exprime à travers Carlos, qui est ventriloque. La famille Vigil, présentée comme sourde et qui lit L'Île mystérieuse sur ses lèvres, lui a menti elle aussi : si la grand-mère est bien sourde-muette et les parents sourds, le jeune homme découvre que les enfants entendent et peuvent parler, mais se sont adaptés à leur entourage.
Le seul à l'apprécier est le colonel Atarriaga... qui s'endort, bercé par le ton monocorde avec lequel il lit Le Désert des Tartares. Un jour, Eduardo découvre des poèmes d'Isabel Fraire dans un vieux livre de comptes de son père, et s'aperçoit que Celeste, analphabète, est émue par celui qu'il lui lit. Il découvrira avec stupéfaction qu'elle les connaît par coeur. Pourquoi ?
Parallèlement à ses visites, Eduardo est racketté par Güero, un ancien employé du magasin de meubles de son père qu'il a repris, lié aux narcotra- fiquants, car la « ville de l'éternel printemps » où il faisait si bon vivre subit aujourd'hui la loi des cartels.
Fabio MORABITO Emilio, les blagues et la mort Traduit de l'espagnol (Mexique) par Marianne Millon Collection Ibériques ISBN 978-2-7143-1038-5 212 pages -20 Euros Parution 7 octobre 2010 Mexico, de nos jours. Un adolescent de douze ans, dont le père a quitté le domicile familial, souffre d'hypermnésie et se rend chaque jour au cimetière car il a décidé d'apprendre tous les noms inscrits sur les tombes jusqu'à ce qu'il trouve le sien. Il pense être ainsi protégé de la mort.
Muni d'une sorte de baguette de sourcier à détecter les histoires drôles, Emilio rencontre au cimetière des adultes, plus ou moins recommandables : Adolfo, le gardien qui cherche à embrasser les jolies visiteuses et modifie les dates sur les tombes les moins fleuries pour tenter de faire adopter les morts délaissés par les vivants ; Severino, un maçon inquiétant et, surtout, Euridice, une masseuse quadragénaire, qui vient fleurir chaque jour la tombe de Roberto, son fils récemment disparu à l'âge d'Emilio.
Il s'agit ici du premier roman écrit par Morabito, publié en 2009 chez Tusquets, dont nous avions déjà édité, en 2009, un recueil de nouvelles, Les Mots Croisés (Prix Antonin Artaud). En orfèvre, il allie cruauté des sentiments, humour (qui surgit des situations les plus inattendues), poétique du quotidien. La forme romanesque lui permet enfin de développer pleinement l'intrigue et de donner chair et épaisseur aux personnages, tous attachants, inquiétants, intrigants. Comme l'avait souligné Gilles Heuré, dans Télérama, parlant de son précédent livre, nous sommes parfois proches de l'univers d'un Luis Bunuel.
Chez José Corti : Les mots croisés, 2009.
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Plus que par un véritable fil conducteur, les 15 nouvelles composant les mots croisés (grieta de fatiga, 2006, prix antonin artaud 2006) sont reliées par l'écriture, dont il est souvent question (le courage de ronfler, les portes illicites, les corrections, les bulgares) et par la description poétique d'un réel qui devient dès lors étrange mais non dénué d'humour (le tennis du vendredi, empreintes, parc d'attractions, la grimace).
Les incursions dans l'histoire, qu'elle soit ancienne (micias), médiévale (armures) ou contemporaine (la selva régresse) donnent à celle-ci une nouvelle dimension tout en la revisitant. chaque récit possède sa propre tonalité, et l'ensemble témoigne d'une grande originalité narrative et stylistique.