Composé de 17 « livres » publiés entre 1872 et 1876, dont chacun fut vendu à plus de 200 000 exemplaires, L'Appel à l'étude fut lu à l'époque par des millions de Japonais et servi même de manuel scolaire. Fukuzawa Yukichi s'y livre à un double exercice : penser la manière dont le Japon peut et doit accéder à la civilisation et convaincre ses compatriotes de le suivre dans cette voie, la seule à même d'éviter à son pays la colonisation des puissances étrangères.
L'idée au centre de L'Appel à l'étude est que seul l'accès à la civilisation permettra d'éviter un destin à la chinoise et que le seul moyen d'accéder à la civilisation est l'éducation. L'utilitarisme, le rationalisme, le positivisme, le libéralisme voire l'individualisme que prône Fukuzawa n'ont de sens, pour lui, que dans la mesure où ces « ismes » servent ce dessein. La civilisation que vise Fukuzawa n'est cependant pas la civilisation occidentale mais une civilisation universelle fondée sur la science et vis-àvis de laquelle il constate simplement que le Japon a pris du retard par rapport aux pays occidentaux. S'il demande à s'inspirer de ces derniers, c'est pour les utiliser non pas comme un modèle mais comme un raccourci.
Voici, enfin traduit en français, le testament politique du père des Lumières nippones.
Au Japon, les billets de 10 000 yens sont frappés à son effigie. Depuis trois générations, ses livres sur la civilisation occidentale, à commencer par ce Plaidoyer, font partie du bagage intellectuel de tout étudiant. Fukuzawa Yukichi est l'un des grands, et peut-être le plus grand des penseurs de l'ère Meiji. Alors qu'il voit le vieux système féodal s'effondrer et la société de son temps s'ouvrir au monde, ce fils d'un pauvre samouraï passe de l'observation à l'engagement en se faisant l'avocat du changement. D'où ce texte essentiel. Au style ample et poétique, drôle, lucide. À la fois autobiographie intellectuelle et réflexion sur le vertige d'une société confrontée à la «transmutation de son essence même, comme celle du feu en eau ».
Une oeuvre fondatrice devenue un grand classique de la culture asiatique et universelle. Texte traduit, présenté et annoté par Marion Saucier.