Fernando Pessoa retrace dans cette épopée poétique aussi dense que précise des siècles d'histoire portugaise. Il glorifie les héros du passé, la période des « Grandes découvertes » en revenant aussi sur les moments les plus sombres de l'histoire, prémices de la décadence de son temps. Son ambition étant de créer, ni plus ni moins, un mythe, ayant pour objectif de relever une nation en crise. Un projet qui va bien au-delà d'un vulgaire projet nationaliste. La figure du poète est mise au rang de messie. Ainsi l'importance, l'essentiel que représente, la culture, la langue et la poésie pour l'humanité est démontrée. Sans imagination, sans histoires, sans mots pour nous raconter les rêves se meurent et sans rêves nous ne sommes plus.
En 1519, cinq nefs espagnoles commandées par le Portugais Magellan appareillaient du port de Séville. À bord de cette flotte à la destination lointaine mais confidentielle se serraient deux cent trente-sept membres d'équipage. Parmi eux, dix-neuf étaient originaires du territoire français actuel. Ces hommes venaient de Bretagne, de Normandie, de Gascogne et du Béarn, du Languedoc, d'Aunis, d'Anjou et de Touraine, de Champagne et de Picardie, de Lorraine. Ils ne savaient pas encore qu'ils embarquaient pour le plus extraordinaire voyage maritime jamais tenté, où ils eurent à partager le destin singulier des cinq navires : naufragé, déserteur, incendié, appréhendé, premier circumnavigateur.
Quand, en 1522, la nef Victoria parvint enfin à accomplir le premier tour du monde de l'Histoire, il ne restait alors à son bord que trente-deux Européens, parmi lesquels un Normand et un Breton Comment se nommaient ces dix-neuf Français, dans quels lieux ont-ils vu le jour puis grandi ? Dans quelle mesure peuvent-ils être considérés comme français, dans un royaume encore en pleine phase d'unification ? Pourquoi, comment et dans quel contexte historique se sont-ils retrouvés à Séville ? Comment s'est déroulé leur périple, lesquels y ont survécu ?
Nous allons tenter de répondre à ces questions, en nous appuyant sur toutes les sources directes ou indirectes disponibles, documents d'archive, relations et chroniques d'acteurs ou témoins, travaux d'historiens. Nous pouvons déjà reconnaître à ces compagnons de Magellan du courage et un certain esprit d'aventure, pour s'être ainsi embarqués dans cette entreprise hors norme pour laquelle on prévoyait deux ans de vivres, un avitaillement inédit pour une flotte espagnole.
Merveilles de la Chine remarquable synthèse des savoirs qui circulaient sur cette région du monde, est le premier traité à se présenter comme entièrement dédié à la civilisation chinoise. Il constitue pour le lecteur actuel un cliché instantané du regard européen porté sur les civilisations asiatiques à l'époque des «Grandes Découvertes».
Entre condamnation brutale et ouverture d'esprit, les réactions de Gaspar da Cruz face au peuple chinois reflètent le prisme projeté par les Européens sur une société qu'il leur est impossible de modeler à leur image.
À une époque où l'humanité se voit confrontée à une situation inédite dont elle perçoit la Chine comme l'épicentre, rappeler que notre vision de l'Autre est toujours nourrie de nos propres craintes et espoirs apparaît comme une nécessité.
L'oeuvre de Fernando Pessoa (1888-1935), génie poétique universel qui dissimule ici ses traits sous le domino d'Álvaro de Campos, a fait à ce jour l'objet d'innombrables éditions, études et traductions. Max de Carvalho nous livre ici une nouvelle traduction de ce qui est peut-être le plus beau texte de Fernando Pessoa après Le Livre de l'intranquilité. Les éditions Caractères et Unes ont publiées tour à tour les traductions d'Armand Guibert et de Rémy Hourcade, toutes deux datent des années 80. Max de Carvalho poète et traducteur a voulu proposer une version de son temps et de sa plume. Il nous livre une traduction sensible qui nous envoûte de sens et de son et accompagne ce grand poème d'autres poésies d'Álvaro de Campos non moins savoureuses... Livre bilingue, traduction en vis-à-vis.
Jorge Luis Borges considérait Eça de Queiroz comme «un des plus grands écrivains de tous les temps» : Les Maia, paru en 1888, est indubitablement son chef-d'oeuvre. Il appartient au genre des romans «cycliques» où l'on suit le destin non seulement d'une personne, mais d'une famille, précédant ainsi Les Buddenbrooks de Thomas Mann et la Forsyte Saga de Galworthy.
Le noeud de l'action est une sulfureuse histoire d'amour dans le goût romantique, mais le grand intérêt du récit est ailleurs : dans la peinture d'une société bourgeoise décadente; dans l'évocation de la ville de Lisbonne qu'arpente le héros, Carlos de Maia, de la rue des «Janelas Verdes» jusqu'au Chiado; en?n dans le personnage d'Ega, type du Portugais cultivé, hyperconscient, cosmopolite, enclin à dénigrer son pays auquel il est profondément attaché - comme Eça lui-même.
À la fois histoire d'une passion fatale, peinture de moeurs objective et virulente satire, ce livre, dont le rythme rappelle les romans anglais par son style à la fois lumineux, attendri et ironique, a immortalisé Lisbonne dans la littérature.
Amerigo Vespucci n'est pas seulement le personnage qui a donné son nom au Nouveau Monde. Ce Florentin, ami de Christophe Colomb, a laissé un témoignage vivant et très documenté sur les côtes orientales du continent américain, dont il avait pressenti l'existence, où l'on peut lire le premier témoignage sur les rites cannibales de « sauvages » et dont un des marins de l'expédition fit les frais. Vespucci a-t-il été le découvreur des côtes du continent américain ? La question peut sembler dérisoire, mais elle a suscité une longue polémique qui dure toujours. La controverse sur l'authenticité de ses quatre voyages et sur l'attribution de son prénom au Nouveau Monde fait l'objet d'une analyse détaillée dans cet ouvrage qui offre la première traduction intégrale des écrits de Vespucci : Le Mundus Novus, La lettera qui comprend le récit de quatre voyages, et enfin les lettres familières manuscrites. Il s'agit de textes fondateurs auxquels le grand public avait rarement accès.
Dès ses origines, l'expansion portugaise, que l'on prend ici de ses prémisses au XIVe siècle jusqu'au XVIIIe siècle, a constitué un phénomène historique d'une immense diversité, bien davantage que l'expansion espagnole. Celle-ci, en effet, se concentra en Amérique, entre les Caraïbes et les empires inca et aztèque, et malgré des différences abyssales entre les diverses civilisations rencontrées, il s'agit tout de même d'un monde qui trouve une certaine unité.
L'expansion portugaise, elle, se déroula sur trois siècles à l'échelle de trois océans (Atlantique, Indien et Pacifique) et de trois continents (Amérique, Afrique, Asie), dans des contrées où les conditions géographiques, sociales, économiques et politiques étaient des plus variées. Quoi de semblable en effet, ne serait ce que dans le premier quart du xvie siècle, entre les pêcheurs de Terre-Neuve, les Indiens du Brésil abordé en 1500, les multiples peuples des deux côtes africaines, reconnues de 1434 à 1498, ceux de l'Inde (1498-1510), d'Ormuz (1507) et de l'Insuline (1511), de la Chine (1513) voire du Japon que les Portugais sont les premiers Européens à découvrir en 1543.
Cet empire maritime portugais d'un type nouveau, était en fait un vaste réseau commercial, dont les Portugais eurent le monopole pendant presque tout le xvie siècle, avec des escales plus ou moins fortifiées sur la moitié du globe. Certaines furent l'embryon de comptoirs importants et durables (Goa, Macao), ou plus tard d'États (Angola, Mozambique, São Tomé et Principe, Guinée Bissau, Cap-Vert, Timor).
Les chroniques ne nous laissent pas toujours entrevoir clairement la nature de cet empire, et s'en tiennent le plus souvent à consigner l'expansion officielle - c'est-à-dire, son volet impérial - et surtout les exploits de guerre. Ils délaissent ainsi les autres modalités d'expansion, comme la diaspora spontanée d'aventuriers et de marchands, qui dans certaines aires géographiques fut le fait majeur.
Aussi a-t-il toujours été impossible jusqu'à présent d'offrir une synthèse sur ce sujet vaste et passionnant, qui a touché le monde entier du XVIe au XVIIIe siècle. Il fallait un livre qui soit à la fois lisible et vraiment concis, qui balaie nombre d'idées reçues et surtout qui n'élude pas la grande complexité des situations et des enjeux.
Ce tour de force, Luís Filipe Thomaz l'a réalisé dans un ouvrage paru en espagnol en 2017 (Colombie), dont nous livrons ici une version remaniée et augmentée.
Magellan est le plus connu des navigateurs, son voyage, la plus extraordinaire des aventures, mais des dizaines d'erreurs et d'approximations, invariablement reprises de livre en livre, circulaient malheureusement dans tous les ouvrages, même réputés sérieux, notamment la biographie de Zweig. L'édition critique de l'intégralité des sources directes sur le Voyage de Magellan (1050 p.), publiée en 2007 par les éditions Chandeigne a pu rectifier ces erreurs et faire de nombreuses découvertes sur cette expédition. Elle est devenue l'ouvrage de référence dans le monde. Ce livre de poche fait la synthèse de cette édition critique. Il donne à lire le récit de Pigafetta, le plus célèbre des témoignages, accompagné des itinéraires détaillés. Un cahier couleurs rassemble les cartes de l'époque. L'appareil de notes développe les principaux apports de l'édition de 2007 et ajoute, chapitre par chapitre, tout ce que la relation de Pigafetta omet. Une annexe traite des navires et des équipages, dont la liste et le nombre ont été pour la première fois établis en détails. Ce livre de poche devient donc désormais l'édition de référence, accessible à tous, de la relation d'Antonio Pigafetta et du voyage de Magellan.
Préface de Carmen Bernand & Xavier de Castro. Dossier cartographique en couleurs de Xavier de Castro. Édition établie par Xavier de Castro, Jocelyne Hamon et Luís Filipe Thomaz.
En 1871, le génial écrivain José Maria Eça de Queiroz (1845-1900) fonde avec Ramalho Ortigão une revue satirique, As Farpas (Les Banderilles), destinée à tourner en ridicule tout ce qui va mal dans le pays. Le sous-titre, explicite, en est « chronique mensuelle de la politique, des lettres et des moeurs ». Eça précise, dans une lettre à un ami, qu'il veut faire un « journal de combat, un journal mordant, cruel, incisif, acéré et surtout révolutionnaire ». La cible, principale des deux auteurs sera donc le monde politique, les dérives de l'Eglise, surtout celle du nord du Portugal, la plus conservatrice, ainsi que les moeurs bourgeoises hypocrites et corrompues, la littérature ultra-romantique irréaliste et pernicieuse, à l'inanité de l'éducation, et ils dépeindront avec émotion la vie misérable des petites gens.
Eça est en effet persuadé que le rire est une arme efficace. « Le rire, écrit-il, est la forme de critique la plus utile car elle est la plus accessible à la foule. Le rire ne s'adresse pas au lettré ni au philosophe mais à la masse, à l'immense public anonyme », ce qui donne à penser qu'il avait l'intention de toucher un très grand nombre de lecteurs. Il y en aura des milliers dès le premier numéro.
Le présent ouvrage propose un florilège des meilleurs articles et pamphlets de la revue, qui demeurent encore aujourd'hui étonnants d'actualité, au Portugal et ailleurs.
En janvier 1627, une tempête exceptionnelle dans le golfe de Gascogne provoqua le plus terrible naufrage de l'histoire de la marine portugaise. Sept navires coulèrent, dont deux énormes caraques des Indes chargées de toutes les richesses de l'Orient, et cinq galions de guerre qui les escortaient : près de 2000 morts et moins de 300 survivants, des centaines de canons perdus, une fortune engloutie... Dom Francisco Manuel de Melo, âgé alors de 19 ans, fut l'un des survivants. Devenu l'un des grands écrivains portugais de son siècle, il publia en 1660 un récit superbe, baroque et étrange de cette tragédie en saluant les baleiniers de Saint-Jean-Luz qui sauvèrent au péril de leur vie une grande partie l'équipage de son galion. Mais d'autres sources, longtemps ignorées ou oubliées, éclairent ce désastre sous un autre jour plus sombre, mettant en lumière les rôles peu glorieux des pilleurs d'épaves de la côte landaise, de la noblesse d'Aquitaine en général et du duc d'Épernon en particulier.
Longtemps réduites à celle du Nouveau Monde en 1492, les Grandes Découvertes furent beaucoup plus vastes et mobilisèrent non seulement l'Espagne et le Portugal, mais aussi marins, savants, banquiers et missionnaires de toute l'Europe.
En moins de cent ans, le monde connu décupla, un océan et un continent furent découverts et, peu ou prou, l'espace fini tel que nous le connaissons aujourd hui.
Comme tous les grands événements, les mythes empiètent sur les faits. De l'école de Sagres d'Henri le Navigateur - qui n'a jamais existé - au tour du monde de Magellan, de l'oeuf de Colomb aux vaisseaux en feu de Cortès et à la route des Indes de Vasco de Gama, sans compter l'imposante malle d'idioties que constituent à elles seules les pseudo-croyances au mythe de la Terre Plate, ou la forêt d'âneries proférées imperturbablement sur le voyage de Magellan, ce livre recense et analyse les idées reçues les plus répandues - cependant pas toujours complètement fausses - sur les Grandes Découvertes.
Un livre étonnant et parfois très drôle que devrait lire de manière préventive toute personne abordant ces question, car les ouvrages de vulgarisation qui encombrent les rayons des libraires sont la plupart un immense bêtisier sans cesse recommencé où puise jusqu'à notre ministre, Marlène Schiappa, qui déclare au Sénat : « Ce n'est pas parce que la majorité des personnes pensent que c'est une mauvaise idée que ça l'est. Je vous rappelle que Galilée était tout seul face à la majorité pour dire que la Terre était ronde et qu'elle tournait. La majorité pensait qu'elle était plate et statique». Marlène Schiappa, 22-01-2018.
«Voilà une façon de perpétuer les idées d'un homme que j'apprécie sans réserve : publier sa correspondance ! Il y a d'emblée cet immense avantage : que la valeur des idées n'est pas décidée par celui qui les a conçues, mais par un groupe d'amis et de critiques, d'autant plus libres et plus exigeants dans leur jugement qu'il s'agit d'un mort dont ils veulent montrer au monde les aspects les plus forts et les plus lumineux.»Voilà donc le projet d'Eça de Queiroz : dresser le portrait d'un homme, Fradique Mendes, visionnaire, d'une grande érudition, un brin provocateur et attachant qui vit entre Paris et Lisbonne où il côtoie les intellectuels et artistes de son temps : Baudelaire, Leconte de Lisle, Théophile Gautier ... Fradique Mendes est un dandy dont la biographie, prétendument écrite après sa mort par son meilleur ami, introduit le livre. Suivent 24 lettres qui sont adressées à des personnages réels, contemporains et amis d'Eça de Queiroz lui-même ainsi qu'à d'autres personnages fictifs... Elles présentent une grande diversité de thèmes : philosophiques, politiques, religieux, amoureux ou encore des sujets plus légers comme la dissertation sur l'art de s'habiller... On y lit des portraits hilarants de personnages « types » à la façon de Balzac. D'autres de ces lettres sont des moments d'anthologie comme l'arrivée nocturne à la gare de Lisbonne déserte... La société bourgeoise portugaise y prend aussi pour son grade. Publié à titre posthume, Fradique Mendes est indubitablement un chef-d'oeuvre : Eça de Queiroz sait capter et révéler à merveille l'air du temps, cette fois-ci, en proposant une sorte de roman épistolaire qui brouille les frontières du genre et par conséquent celles de la réalité ... Qui se cache derrière Fradique ? Eça lui-même ? Peut-on parler d'un premier hétéronyme ? Le côté expérimental de l'oeuvre lui donne un côté indéniablement moderne. D'une grande intelligence, un délice de lecture, fin et drôle !
En 1543, les Portugais sont les premiers Européens à débarquer au Japon. Cet archipel lointain et mystérieux, plus ou moins localisé depuis 1515, est très vite identifié à la Cipango du récit de Marco Polo (c. 1300), représenté sur le globe de Behaim (1492).
Aussitôt les Portugais y introduisent les armes à feu et nouent de fructueux liens commerciaux. En 1549, François Xavier et quelques jésuites débarquent à leur tour et fondent la mission chrétienne du Japon, pays dont ils seront deux ans durant les premiers explorateurs.
Un riche cahier cartographique retrace l'historique de la représentation de l'archipel, d'abord sous la forme de la mythique Cipango, de 1459 à 1571, puis du Japon nouvellement découvert, de sa première apparition en 1550 jusqu'à sa forme presque définitive au début du xviie siècle, en passant par ses multiples avatars.
Le livre rassemble ensuite les évocations de Cipango dans les sources historiques occidentales depuis 1300, puis du Japon dans les récits narrant la rencontre entre les Européens et Japonais de 1543 à 1552.
Ces textes, écrits par des navigateurs, des aventuriers ou des jésuites témoignent de la fascination des Européens - non sans incompréhension - devant cette nouvelle civilisation, qu'ils jugent aussitôt supérieure à toutes celles qu'ils ont découvertes jusqu'alors.
En miroir, un texte japonais, jamais traduit en français, raconte l'arrivée de ces hommes blancs, avec de longs nez et aux manières rustres, qu'ils appellent péjorativement les nanban-jin, les «barbares du Sud».
François Caron (1600-1672), fils de huguenots français réfugiés aux Pays-Bas, s'engagea très jeune au service de la Compagnie néerlandaise des Indes orientales, fondée en 1602. Il vécut plus de vingt ans au Japon, y prit femme, y éleva six enfants, et y réussit si bien qu'il s'éleva dans la Compagnie jusqu'au poste de directeur général, avant de se retirer des affaires, en 1651.
Dans ce texte écrit en 1880, Eça de Queiroz reprend un thème récurrent de la tradition littéraire : le pacte avec le diable. Teodoro, fonctionnaire d'État, mène une vie banale à Lisbonne, faite d'habitudes bien ancrées, de courbures d'échine face à ses supérieurs, de repas servis à l'heure et de prières automatisées, sa vie médiocre prend un nouveau tournant lorsque lui apparait dans un livre un message aussi troublant qu'attirant. Le diable lui-même lui propose de sacrifier la vie d'un vieil inconnu, un mandarin vivant au fin fond de la Chine et de récupérer ainsi son incommensurable fortune ! Il n'a qu'à appuyer sur une sonnette posée à ses côtés pour réaliser ce funeste exploit !
D'abord, la stupeur, la peur et puis la fascination. Le désir d'une vie nouvelle presse et bien sûr le confort d'un crime non-identifié ne manque pas d'attrait ! Et puis quoi ?! La vie d'un vieux décrépi contre une jeunesse pleine de désirs ! Teodoro appuie sur la sonnette. Une vie d'abondance et de luxure débute, entre voyages et grandes fêtes, ce personnage ridicule est sauvé par les apparences du luxe. Bientôt, sa conscience viendra contrarier ses plaisirs multipliés et le fantôme du mandarin sacrifié le hantera sans repos. Les délices de cette vie vécus au dépens d'un autre deviendront sans saveurs. Le personnage entamera alors un voyage vers la Chine pour expier sa faute auprès des descendants du mandarin. Guidé par une volonté molle, ce dernier sera sans succès !
L'entrée dans l'écriture fantastique de Eça de Queiroz n'enlève rien à son ton hautement critique. On y lit une société gouvernée par les apparences au sein de laquelle la morale est décimée sans vergogne par l'appât du gain. Le ton est ironique, cynique parfois, Eça comme à son habitude ne laisse passer aucun détail de la psychologie humaine souvent faite d'hypocrites contradictions. La mesquinerie y est dépeinte sans concession et la lucidité mordante de l'auteur n'épargne personne !
Le mandarin est un conte savoureux, drôle et cruel, qui ne manquera pas d'interpeller le lecteur ! « Et pourtant, au moment où j'expire, une idée me console prodigieusement, celle de savoir que, que du nord au sud et d'est en ouest, de la Grande Muraille de Tavarie aux vagues de la mer Jaune, dans tout le vaste empire chinois, aucun mandarin ne resterait en vie si tu pouvais aussi facilement que moi le supprimer et hériter ses millions, toi, lecteur, créature improvisée par Dieu, mauvaise oeuvre faite d'un mauvais argile, toi, mon semblable, mon frère ! »
Jacinto, dandy et riche héritier d'une famille de notable portugais, vit à Paris depuis tout petit. Fasciné par la ville lumière, son mouvement et sa modernité, il collectionne dans sa résidence du 202, Champs-Élysées, toutes sortes d'inventions propres à l'époque. Des objets incongrus représentants selon lui le summum du raffinement, la haute civilisation et donc la condition à son bonheur ! Lampes électriques en tout genre, brumisateurs, tissus précieux, bibliothèque au quelque 30 000 milles volumes... La maison déborde de cette civilisation !
Zé Fernandes, jeune homme originaire d'un petit village du nord du Portugal s'installe chez son ami Jacinto pour suivre ses études à Paris. Initié aux plaisirs de la société moderne, il découvre la ville lumière, déambule dans ses rues y rencontre ses groupes d'intellectuels et d'artistes.
La fascination de Jacinto pour la technique, sa croyance illimitée dans le progrès est insatiable et le mènera bientôt à la dépression. Son jeune ami décide pour l'aider de le faire revenir aux plaisirs d'une vie frugale et simple. Il l'incite à quitter Paris pour rejoindre son village du nord du Portugal. Nous entrons alors dans la deuxième partie du roman.
L'exubérance et la superficialité des plaisirs parisiens laissent place à la simplicité et à l'apaisement de la campagne. Ce voyage n'est pas sans péripéties mais le retour aux sources sera fructueux pour nos deux compères.
202, Champs-Élysées, titre posthume d'Eça de Queiroz, propose une savoureuse satire de la modernité. Dans ce roman incisif et enjoué les dérives du progrès sont dénoncées. La vacuité des plaisirs urbains, l'accumulation des objets et de nouvelles techniques prophétisent la décadence d'une société en perte de repères. L'auteur que l'on ne présente plus, oppose deux mondes en utilisant sa verve ironique tant appréciée. À la ville prétentieuse il oppose un monde simple, la campagne, où le plaisir y est pur. Somme toute, une thématique tout à fait contemporaine !
Publiés pour la première fois en 1851, les Légendes et récits d'Herculano ont été rédigés sur le modèle des romans de Walter Scott, à une époque où, partout en Europe, on se passionnait pour les chroniques médiévales et les vieilles légendes, croyant y trouver l'âme profonde des nations.
Les Légendes et récits sont avec Les Lusiades et les Histoires tragico-maritimes, est devenu un des grands classiques de la culture portugaise. Ces textes palpitants ont pour cadre le Portugal médiéval (Xe-XVe siècles) : oeuvre de fiction, elles reposent sur de solides fondements historiques, qui contribuent à donner une impression d'authenticité. Herculano s'y révèle conteur efficace et vigoureux ; il excelle en particulier à tenir le lecteur en haleine par des effets et des coups de théâtre savamment dosés. L'auteur met en scène des personnages de drame dont les faits et gestes sont dictés par des sentiments tyranniques tels que l'amour, la haine, la vengeance...
Prononcé en 1654 au Brésil, le Sermon de saint Antoine aux poissons est à juste titre le texte le plus célèbre du grand auteur portugais du XVIIe siècle, l'étonnant jésuite António Vieira, en qui Fernando Pessoa saluera l'« empereur de la langue portugaise ».
Le concept baroque et presque animiste de la Nature enseignant les hommes gouverne ces propos écologiques avant l'heure. Vieira s'y montre prophète de notre époque. En donnant la parole au Monde du silence, il dénonce un principe du libéralisme déjà à l'oeuvre dans le Brésil colonial du XVIIe siècle : les petits poissons se font toujours manger par les gros et nous sommes tous des cannibales.
Peux-tu l'imaginer ? moi qui fais étinceler la muraille oú je suis attaché, j'ai beaucoup voyagé, poussé par l'aventure aux confins des mondes connus.
Me voilà de retour. chargé de trésors et d'influences qui m'ont fait si beau, j'ouvre mon livre de bord et de curiosités : voici vingt bêtes magnifiques, un chef-d'oeuvre et des jeux pour refaire avec toi mon voyage, pour partager légendes, créations et découvertes. je t'invite à apprendre comment moi, simple petit carreau de céramique, j'ai capturé le soleil !.
La Supercherie dévoilée a été écrite en 1636, au Japon, par Cristóvão Ferreira, ancien jésuite portugais, qui avait abjuré sous la torture, pendant la grande persécution déclenchée en 1614 contre les missions chrétiennes implantées dans l'archipel par François Xavier.
Texte court, extrêmement dense, il était destiné à fournir un argumentaire aux autorités japonaises chargées de combattre la religion étrangère. Son originalité tient au fait que Ferreira, homme de grande culture philosophique et théologique, ayant vécu vingt ans dans la clandestinité, critique le catholicisme du dedans, en utilisant les armes conjuguées de la science biblique, de l'aristotélisme averroïste, de l'érasmisme, voire du marranisme.
Le commentaire détaillé de Jacques Proust, nous invite à voir dans La Supercherie dévoilée, un compendium de l'hétérodoxie européenne du début du XVIIe siècle, fruit des doutes et de la révolte que l'auteur, Cristóvão Ferreira, portait probablement déjà en lui avant que l'" Inquisition " japonaise ne l'arrête.
PILAR, enfant rêveur et doué pour qui son père nourrit de grands projets, fréquente l'école de maître Policarpo. Mais voilà qu'un jour, le petit Raimundo, fils du maître, craintif et peu éveillé, lui propose un marché surprenant, sous les yeux d'un camarade prompt à la dénonciation... Les leçons ne sont pas toujours celles que l'on pourrait attendre : l'école est aussi l'un des premiers lieux d'apprentissage de la corruption, de la délation et du ressentiment. Machado de Assis est le plus grand romancier et nouvelliste brésilien du XIXe siècle. Son écriture, d'une grande finesse, empreinte d'humour, décline ici à merveille les tribulations de l'enfance et ses tentations.
Un conte d'inspiration autobiographique où la liberté et l'imaginaire sont les figures centrales et salvatrices de l'enfance.
En 1552, le dominicain Las Casas publie à Séville la plus terrible des dénonciations des excès du colonialisme : la Très brève relation de la destruction des Indes. Les conquistadors y sont des diables qui pillent, tuent et allument des brasiers d'enfer. Cette apocalypse s'appuie sur une théologie rigoureuse du droit naturel : les Indiens, propriétaires légitimes de leurs terres, ont des droits de juste guerre contre les envahisseurs.
L'humanité indienne, au lieu de constituer une chrétienté idéale est maintenant l'image du Christ bafoué. Las Casas s'inscrivait dans le courant minoritaire mais actif de ce qu'on a appelé la lutte espagnole pour la justice. Mais il ne pouvait se douter que les traductions de son pamphlet serviraient la cause de la légende noire anti-espagnole.
La traduction que l'on publie est celle du protestant flamand Jacques de Miggrode, sous le titre manipulateur de Tyrannies et cruautés des Espagnols (1579). L'impact des très nombreuses rééditions fut amplifié par la diffusion des gravures de De Bry. Pour la première fois depuis des siècles, cette série capitale dans l'histoire de la guerre des images entre protestantisme et catholicisme, est rééditée intégralement avec le texte de Las Casas et une partie des aquarelles qui l'ont inspirée.
Cette édition propose une nouvelle introduction de Jean-Paul Duviols qui retrace le parcours et le combat de Bartolomé de Las Casas.
Le 22 avril 1500, la flotte de Pedro Alvares Cabral, qui avait quitté le port de Lisbonne pour gagner les Indes orientales, aperçoit une terre couverte de forêts luxuriantes dans le sud de l'Atlantique.
Il y avait là des hommes à la peau cuivrée qui marchaient nus le long du rivage. Une nouvelle terre venait d'être officiellement découverte : Ile de la Vraie-Croix ou de la Sainte-Croix, Terre des Perroquets ou encore Brésil, du nom de ce bois de teinture qui fut la première des richesses exploitées. Pero Vaz de Caminha écrivit une lettre pour en informer le roi du Portugal. Texte alerte et humaniste, il révèle un esprit curieux et ouvert à une nouvelle expérience de l'inconnu.
La rencontre avec les indigènes est pacifique, la fascination est réciproque : c'est un moment exceptionnel de l'histoire, empreint d'espérance et de respect mutuel, auquel nous assistons. Première narration et description de la terre découverte et de ses habitants, ce témoignage magnifiquement écrit, émouvant et teinté d'allégresse, peut-être considéré comme l'ouvre fondatrice de la littérature brésilienne.
Après l'arrivée de Christophe Colomb en Amérique (1492), le voyage de Vasco de Cama aux Indes par le cap de Bonne-Espérance (1497-1499) est l'un des événements majeurs de l'époque des Grandes Découvertes.
Il se trouve que l'on possède une relation du voyage de Vasco de Gama écrite par un homme qui y a personnellement participé, mais dont le nom n'est pas mentionné. L'identification de ce rédacteur anonyme avec un certain Alvaro Velho n'est pas certaine. Mais qu'importe ? l'essentiel est que nous avons là un témoin oculaire. Cet homme n'est ni un écrivain, ni un chroniqueur, mais il partage les connaissances, les certitudes et parfois les illusions des marins portugais de son temps, et il parle de ce qu'il connaît.
De là provient l'exceptionnel intérêt de cette relation. C'est comme si nous assistions " en direct " aux événements. À l'approche du cinquième centenaire de la mort de Vasco de Cama, il importait donc de republier ce texte fondamental, traduit et annoté par Paul Teyssier, dans une édition de poche accessible à tous.