Le roman O Judeu est publié 40 ans après l'abolition de l'Inquisition et s'intègre dans une veine historiographique (et littéraire) qui revisite le passé et qui voit dans l'Inquisition l'une des causes principales de la décadence du Portugal... Cette oeuvre est à la fois un roman historique complètement documenté, une intrigue amoureuse et un récit d'aventure. Elle narre la vie du dramaturge António José da Silva (1705-1739), connu sous le nom de O Judeu, qui fut poursuivi et condamné par l'Inquisition, ainsi que de sa femme Leonor Maria de Carvalho. Camilo cite de nombreuses sources historiques dont l'ouvrage L'Amusement périodique du Cavaleiro de Oliveira, auteur portugais exilé au XVIIIème siècle, qui apparaît aussi dans le roman dans une intrigue parallèle.
Carnet de mémoires coloniales est le premier livre d'Isabela Figueiredo. Dans ce récit biographique elle revient sur son enfance à Lourenço Marques, devenu Maputo depuis l'indépendance du Mozambique en 1975. Elle y dépeint sa relation aux adultes, à ses parents, à son père. Entre grande tendresse, amour filial et une certaine admiration de cet homme fort et protecteur, s'ajoute très jeune chez la jeune Isabela le rejet de ce qu'il est aussi, un colon, raciste, sexiste et violent. La grande force de ce texte réside dans cette ambiguïté dévoilée. Elle aime sans pouvoir s'empêcher de condamner et condamne sans pouvoir s'empêcher d'aimer.
La thématique du livre, l'abordage inédit du colonialisme, l'écriture frontale et crue d'Isabela Figueiredo font de Carnet de mémoires coloniales un livre coup de poing, qui brise certains tabous. Non, le colonialisme portugais n'était pas plus doux que les autres, les mécanismes de domination étant toujours éminemment violents. Ainsi, ce texte va bien au-delà d'une dénonciation c'est aussi une sorte de tentative de réconciliation avec la figure du père ou plutôt une sorte de bilan, une écriture cathartique, qui dirait voilà ce que nous sommes, voilà ce que je suis. Le fruit de contradictions, de violence, de tendresse et d'injustices. Maintenant avançons.
Ces mots, ce livre elle a attendu la mort du père pour les écrire. Car s'il y a révolte, il y a aussi du respect pour l'effort du père à offrir à sa fille ce que lui n'a pas eu. L'accès à l'éducation et à une vie qui ne soit pas misérable. Elle se rend compte de cela lors de son arrivée au Portugal, elle rejoint seule le pays de ses parents - qui est désormais le sien - suite à la déclaration d'indépendance du Mozambique, ces derniers restent sur le continent africain encore quelques années. À son arrivée, elle est recueillie par sa grand-mère paternelle qui vit dans une grande misère. Elle s'y sentira extrêmement seule et rejetée, elle est une « retornada », celle qui a exploité. Longtemps elle tentera de le cacher notamment à ses camarades de classes. Cet autre moment de sa vie est pour la jeune adolescente qu'elle est alors aussi traumatisant que constructif.
La mise en avant des décalages, des contradictions sont comme des leitmotiv dans ce texte extrêmement fort et bouleversant. Isabela Figueiredo rend justice et expose des identités dilacérées, brisées et recollées. Des identités explosées, aux éclats éparpillés dans l'espace, le temps et l'imaginaire. Une histoire qui aura de nombreux échos avec l'histoire française.
Sophia de Mello Breyner Andresen est née en 1919 à Porto dans une famille aristocratique, elle a vécu à Lisbonne et y est décédée en 2004. Elle publie en 1944 son premier livre, Poesia, qui impressionne par le rare sentiment d'équilibre qui préside à sa construction. Dès son deuxième livre Dia do mar (1947), se manifeste la profonde attraction qu'exerce sur elle le monde classique, grec en particulier. C'est toujours d'un héroïsme perdu que nous parle cette poésie.
Figure morale, profondément humaniste et universellement respectée de la vie culturelle portugaise, l'esthétique est chez elle avant tout une éthique. Elle a su forger un style clair et net, concis, reconnaissable entre tous qui a fait de ses poèmes de beaux objets littéraires habités par un constant et puissant sentiment d'harmonie. Sa poésie est tout aussi bien traversée par les grands mythes de l'Antiquité que par les petits événements de la vie quotidienne, la mer, les amis et parfois la mort des amis, évoqués dans des poèmes brefs où les événements politiques sont souvent présents en discret arrière-plan.
Pour reprendre les mots de Vasco Graça Moura, auteur de la postface de ce recueil, Sophia a le souci de l'élémentaire, l'exigence de la limpidité et une revendication de liberté. La poésie de Sophia de Mello Breyner présente une élégance dont on admire la simplicité.
Virgínia, la mère, et Eugénia, la fille, se sont sculptées dans la lave de l'abandon. Face à une mère dominante, la fille s'échappe grâce à la poésie. Tout bascule quand la maladie d'Alzheimer surgit.
Après Autisme et Les eaux de Joana, Valério Romão continue de peindre avec humour et cruauté les grincements de l'âme confrontée à l'indicible. Plus implacable que les précédentes, cette chronique d'un deuil à venir est aussi une méditation sur la construction de la personnalité et sur les ressorts de l'émancipation.
Romão nous entraîne dans une farandole baroque autour d'un miroir éclaté. Avec autant de légèreté que de gravité, son récit nerveux nous plonge au coeur de cette « maladie de poésie » qui afflige son héroïne et qui est l'essence même de la littérature.
Macau, 1984 : un juge - futur procureur-général de la République -, trois policiers, un médecin et un présentateur de télévision créent une maison de passe clandestine qu'ils nomment le « Club de Macao ». Ses membres recourent à des adolescentes chinoises qui paient le prix fort dans l'espoir de rejoindre l'Europe. Lorsque l'une d'entre elles est assassinée le club est dissout.
Vingt plus tard, à Lisbonne, les anciens membres du club se retrouvent lorsque le procureur-général de la République souhaite se présenter à la présidentielle. Son ambition se voit empêchée alors par des scandales qui font surface. Leur mission à tous : faire en sorte que les fantômes du passé ne viennent pas troubler le présent.
Une plongée en apnée dans les méandres des réseaux mafieux et des conflits d'intérêts entre politique et média avec pour décor l'histoire singulière du territoire de Macao, portugais pendant plus de 400 ans avant d'être rendu à la Chine en 1999. Inspiré par le célèbre procès « Casa Pia » au Portugal (2001 à nos jours), Le Club de Macao est le troisième roman de Pedro Garcia Rosado.
Le 13 avril 1961, António de Oliveira Salazar, dictateur au pouvoir au Portugal depuis 1932, lance une phrase qui deviendra célèbre : « Vers l'Angola, rapidement et en force ». Ces quelques mots résument, jusqu'au 25 avril 1974, le refus du gouvernement portugais d'accepter l'indépendance des colonies en Afrique et en Asie. Pourtant, à partir de février 1961, la domination portugaise en Afrique est ébranlée par plusieurs mouvements anticolonialistes.
Cette précieuse compilation de témoignages permet au lecteur de mieux comprendre un pan des luttes anticolonialistes qui ont marqué le 20ème siècle. Elle participe du renouvellement des questionnements sur un passé tragique dont les conséquences et les effets se conjuguent encore au présent.
Première anthologie bilingue des origines au XXème siècle, La Poésie du Portugal se propose, avec ses quelques trois cents poètes et plus de mille poèmes, de produire une somme de huit siècles à l'usage du lecteur francophone. Représentant l'une des plus fécondes traditions lyriques et épiques d'Europe, le Portugal n'a plus fait l'objet en France, depuis cinquante ans, d'un panorama d'ensemble, même modeste. Cet ouvrage s'inscrit dans le prolongement du remarquable effort accompli depuis quatre décennies par quelques traducteurs et éditeurs pour révéler dans l'Hexagone la littérature d'une nation qui, dès ses débuts, sacra la poésie comme son expression la plus pure, la plus haute, et en fit son fleuron.
Ces Contes & Nouveaux contes de la montagne sont le chef-d'oeuvre de Miguel Torga et un des grands livres de la littérature portugaise du xxe siècle. Les 45 nouvelles de ce recueil ont été écrits et revus entre 1939 et 1980. Elles dépeignent la forte réalité rurale portugaise, celles des montagnes du Nord du Portugal, de la misère et de la solitude de ses paysans. L'auteur ausculte les hommes et les femmes de ce monde âpre, hostile et silencieux, à l'écoute de leurs quelques joies et de leurs nombreuses peines.
Un chasseur indien reçoit la visite inopinée d'un voyageur et l'invite à boire de la cachaça. Sous l'influence de l'alcool, il relate ses faits de chasse et sa passion presque viscérale pour les onces. Au fil d'un monologue de plus en plus sauvage et haletant, l'homme se transforme sous les yeux étonnés du lecteur en une bête primitive - un jaguar. Unissant onomatopées et interjections, cris humains et hurlements humains, dialecte tupi et archaismes, la nouvelle de Joao Guimaraes Rosa dévoile, dans la nouvelle Mon oncle le jaguar, avec prouesse les instants surnaturels d'un homme qui se fait animal, d'un texte qui se fait voix, d'une incroyable métamorphose.
Qu'il s'agisse des errements d'un diplomate exilé dans une ville des Andes, des dernières heures pleines d'humour d'un grand-père excentrique ou d'un face-à-face mortel entre l'homme et le serpent, Joao Guimaraes Rosa se fait alchimiste du verbe et pulvérise les codes de la narration traditionnelle en nous faisant voyager dans un Brésil fantasmagorique où se mêlent chercheurs de diamants, immenses troupeaux de boeufs et apparitions fantastiques.
Henri Coudreau (1859-1899), né comme Pierre Loti, Samuel de Champlain et René Caillié dans les landes charentaises, rêve dans sa jeunesse d'expéditions au centre de l'Afrique, mais finit par s'installer à Cayenne et parcourir les forêts de la côte caraïbe.
D'abord seul, plus tard en compagnie de sa femme Octavie, il cartographie l'intérieur de la Guyane, explore les savanes de la zone frontalière entre la France et le Brésil, avant de tourner le dos aux ministères parisiens et de se mettre au service du gouvernement de Rio. Fin 1899, lorsqu'il meurt en pleine expédition, Octavie l'enterre sur les rives du Rio Trombetas et poursuit seule la mission en cours. Quatre ans, cinq expéditions et cinq livres plus tard, elle retournera sur le lieu de sa sépulture afin d'exhumer ses restes et de les rapatrier à Angoulême.
En cette seconde moitié du xixe siècle, les zones hachurées des cartes fondent à vue d'oeil, les frontières restent à définir et le projet colonial français se dissout dans la chaleur équatoriale, mais l'attrait des tropiques reste puissant et la démesure de l'Amazonie ravive toutes les utopies. Aventuriers, anarchistes et chercheurs d'or peuplent une contrée façonnée par les guerres et les soulèvements des esclaves en fuite. À une époque où le caoutchouc déclenche toutes les convoitises, les Coudreau s'affranchissent progressivement de leurs missions pour se retirer dans un exil intérieur.
Un livre sur une fuite loin du bruit du temps, sur la liberté qu'offrent les fleuves et les mérites de la désertion.
Le jésuite portugais Fernão Cardim, missionnaire dans les terres brésiliennes à la fin du xvie siècle, est un personnage clé pour la connaissance des Indiens du Brésil. Son parcours tient parfois du roman d'aventures.
Cardim est envoyé au Brésil en 1582 pour rendre compte de l'avancée de l'évangélisation. Il se familiarise aussitôt vec l'environnement et observe finement la faune et la flore brésilienne, tout autant que les coutumes des populations indigènes. Il compile ses impressions dans deux textes qui reflètent toute la curiosité que ce territoire suscite chez celui qui le découvre. Nous publions ici l'un d'eux, De l'origine des Indiens du Brésil et de leurs coutumes, adoration et cérémonies, qui propose une description très détaillée des indiens, notamment tupinamba.
Ces écrits ont eu un destin des plus rocambolesque ! Une fois au Brésil Cardim ne le quittera qu'une fois, le temps d'une mission à Rome. Alors qu'il s'apprête à revenir au Brésil, il est fait prisonnier par un corsaire anglais et sera retenu pendant 2 ans en Angleterre entre 1601 et 1603. Il porte dans ses bagages les deux textes. Le corsaire les vend immédiatement. Après maintes publications et traductions sous des noms erronés, ce n'est qu'en 1881 qu'un chercheur brésilien republie le traité en portugais et l'attribue à Cardim sans hésitation ! Voici donc une destinée hors du commun pour un texte qui offre de précieux renseignements sur les moeurs et coutumes indigènes et tout particulièrement les rites anthropophages.
Cette première édition française apporte une nouvelle pierre à l'édifice des connaissances des sociétés brésiliennes. C'est une source riche et précise qui permet aussi de mieux comprendre des enjeux tout à fait contemporains, comme l'importance notamment de protéger les peuples et les communautés indiennes brésiliennes d'un gouvernement mortifère.
L'oeuvre de Fernando Pessoa (1888-1935), en grande partie posthume, est considérée aujourd'hui comme l'une des plus importantes du XXème siècle, la découverte de sa poésie et du Livre de l'Intranquillité ayant été une révélation dans le monde entier. Le projet complexe de Pessoa consiste, par l'écriture, à « tout sentir de toutes manières », ce qui l'a conduit à éclater son « moi » en plusieurs écrivains fictifs, les « hétéronymes », dotés chacun d'un nom (Alberto Caeiros Álvaro de Campos, Ricardo Reis, Fernando Pessoa lui-même, Bernardo Soares, etc.) d'un style propre et d'une vision du monde singulière.
La présente anthologie, très concise, est une introduction à cette oeuvre multiforme et inclassable. Elle permet de découvrir ce précurseur génial de notre modernité, en appréhendant l'essentiel de son « dispositif hétéronymique », pour en saisir, dans une présentation bilingue, la force et la beauté, la variété et l'unité.
Pessoa est lié à Lisbonne, comme Kafka l'est à Prague ou Joyce à Dublin. Lisbonne imprègne toute l'oeuvre de Pessoa. Le poète habite une ville qui le hante littéralement et littérairement. Il existe malheureusement un ouvrage écrit en anglais What the tourist should see, traduit sobrement en français par Lisbonne (Anatolia, 10 :18) qui est un succès d'édition mais qui n'a, de l'avis de tous les spécialistes et surtout des lecteurs appâtés par le titre mais vite déçus, aucun intérêt. Aucune ligne ne rappelle le génie de l'auteur portugais au point que l'on peut douter que ce texte, retrouvé dans ses archives et annoté de sa main, soit bien de lui.
Ce petit livre de poche, bilingue, est d'un tout autre intérêt, puisqu'il rassemble les fascinants fragments en proses du Livre de l'intranquillité, des lettres, des poèmes, qui montrent le rapport fort, intime, quasi consubstantiel de Pessoa avec sa ville. Lisbonne est aujourd'hui la destination phare des Français, et cette ville ne cesse de fasciner de nombreux écrivains jusqu'au plus simple des touristes. Ce livre comble un manque et complète harmonieusement le premier volume paru en 2016 : Fernando Pessoa - Anthologie essentielle, qui constitue l'ouvrage de référence d'introduction à l'ensemble de l'oeuvre de l'immense auteur portugais que l'on ne cesse de redécouvrir.
L'histoire du Portugal gagne à être connue, celle d'un pays parmi les plus anciens d'Europe. Le Portugal a marqué de son empreinte les Grandes Découvertes, initiateur de cette mondialisation avant l'heure dont le poète Camões fit en 1572 le récit épique dans ses Lusiades, à la gloire du « pays où la terre finit et la mer commence » qui avait donné « de nouveaux mondes au monde ».
Deux traits caractérisent l'histoire du Portugal : précocité des événements qui en forment la trame, et relative fixité. De tous les pays d'Europe, le Portugal a été le premier à réaliser son unité nationale et à fixer des limites territoriales qui n'ont guère changé depuis le milieu du XIIIe siècle. Il fut encore le premier à se lancer sur les océans pour fonder des empires outre-mer. Enfin, en 1910, il fut l'un des premiers pays d'Europe à proclamer une République. Mais aussi fixité et conservation du passé, comme si les structures élaborées tôt ne pouvaient qu'évoluer lentement. Le Portugal a été le dernier pays d'Europe à s'engager dans le processus de décolonisation. Il est aussi une des dernières nations où se soit constituée une société moderne.
La quête de nouveaux horizons et de grandeur jalonne l'histoire d'un pays qui s'est toujours senti à l'étroit dans son rectangle européen, même s'il a fait le choix résolu d'adhérer à l'Union européenne, une fois la démocratie rétablie avec la Révolution des oeillets du 25 avril 1974, après la longue dictature salazariste de près d'un demi-siècle. Cette passion de l'universel, cette étonnante résilience des Portugais capables de brasser résignation et révolte, opiniâtreté et solidarité face à l'adversité parcourent une histoire dont cet ouvrage nous propose une approche synthétique, claire et facile d'accès, simple, sans être simpliste.
En décembre 1904, Euclides da Cunha (1866-1909), un des auteurs clé de la littérature brésilienne du XXe siècle, quitte Rio de Janeiro pour se rendre à Manaus et entamer une mission de reconnaissance du bassin ouest de l'Amazonie. L'expédition qui le mène jusqu'à la région frontalière avec le Pérou le poussera au bord de la folie, mais elle lui permettra aussi de se familiariser avec la dernière part obscure du Brésil. Sa découverte de la nature équatorienne et des populations qui vivent sur les rives des fleuves le bouleverse et sa vision du drame qui s'y joue - l'esclavage des ouvriers du caoutchouc, la destruction silencieuse des Indiens - l'amène à projeter d'écrire, après son chef d'oeuvre Hautes Terres, consacré à la guerre de Canudos, un « deuxième livre vengeur ». Son grand récit amazonien (il lui donne le titre de travail Un paradis perdu) ne verra cependant jamais le jour : Euclides da Cunha meurt quatre ans après son voyage, abattu en août 1909 à son domicile à Rio par l'amant de sa femme. Néanmoins, tout laisse à croire que le texte aurait été porté par une ferveur qui ne le cède en rien à celle qui sous-tend son plaidoyer précédent : si ses esquisses et les notes préparatoires ont disparu, la vingtaine d'articles et de récits qui subsistent témoignent de son ambition et de la beauté de sa prose. L'invention de l'Amazonie se compose de trois de ces récits, tous issus du recueil À margem da história (« En marge de l'Histoire », inédit en français), que l'auteur a encore lui-même pu organiser. Ils disent le vertige qui nous empêche de voir l'Amazonie, les triomphes et misères que la vie dans les limbes peut susciter, la proximité entre création et destruction. Avec son oeil pour les ruines à venir, da Cunha n'y livre pas seulement un aperçu de la modernité, il propose aussi un regard saisissant sur la région, une réflexion qui reste pertinente jusqu'à nos jours.
« Être citoyen, ce n'est pas vivre en société, c'est la changer. » Augusto Boal.
En 1971, Augusto Boal, alors qu'il rentrait chez lui après une journée de répétition dans son théâtre, est arrêté et emprisonné dans un commissariat de la police militaire. Accusé d'être un agent de liaison au profit des « subversifs » (c'est-à-dire, des opposants au régime), il est longuement interrogé puis torturé. Après plusieurs jours placé à l'isolement, il est transféré vers la prison Tiradentes où, en compagnie d'autres prisonniers politiques, il découvre l'univers carcéral brésilien.
L'emprisonnement d'Augusto Boal a lieu pendant une période paradoxale au Brésil, celle des années 1969 - 1973. Pour les défenseurs de la dictature militaire qui sévissait alors, se sont les années du « miracle brésilien », qui ont vu le pays bénéficier d'une forte croissance économique. Mais ce sont également des « années de plomb » au cours desquelles le régime militaire, au pouvoir depuis 1964, a exercé une répression sanglante dans tout le pays, censurant les médias (et les arts) et systématisant les arrestations et la torture.
Le récit d'Augusto Boal, très vif, qui n'abandonne jamais l'humour, même dans les moments les plus tragiques, est un texte nécessaire. Il parle de l'angoisse, de la souffrance, mais aussi du courage, de la force et de l'amitié. Il dresse un portrait d'une noirceur sans faille du Brésil de ces années-là. Malgré la violence et la répression féroce du régime, l'espoir est là, sans optimisme naïf (qui conduirait à l'inaction), dans les voix multiples du peuple brésilien qui se bat.
Grâce à Nouvelles & récits du Cap-Vert nous découvrons la réalité du pays sous le joug de l'empire colonial portugais. Les auteurs, précurseurs du premier mouvement littéraire indépendantiste explorent l'identité de leur peuple résistant à tous les égards.
Loin de l'image d'épinal d'un Cap-Vert paradisiaque, on lit l'archipel tel qu'il est, beau mais terriblement dur avec ses habitants. Îles désertes au large du Sénégal, balayées par les vents du Sahara où rien ne pousse, ce territoire a été d'abord foulé par les commerçants européens et les esclaves venus de toute l'Afrique. Des hommes et des femmes s'y sont installés de plein gré ou forcés. Au fil des siècles, un peuple est né, une identité complexe aussi. On entrevoit dans ces nouvelles le quotidien des habitants en prise avec des conditions climatiques hostiles. Le pêcheur voit sa barque bloquée faute de vent, ou au contraire, des navires échouent suite à une violente tempête. On y découvre la faim et l'exil rural. Le manque de structures, d'école et d'hôpitaux. La dépendance au reste du monde et l'émigration. Les rêves d'exil qui alimentent l'imaginaire. Entre misère et beauté. Entre privation et débrouille. «La pauvreté est une école et c'est la grande histoire de ce petit pays» dira un des personnages.
Dans Momiette on suit la rivalité de deux gamins, violente et cruelle, qui laisse esquisser subtilement une histoire bouleversante. Faite de compréhension, de pardon et d'amitié. Dans Le coq a chanté dans la baie on écoute des histoires de contrebandiers et leurs démélês avec un douanier chanteur de morna, ce genre musical propre au Cap-Vert rendu célébre par Cesária Évora. Dans Les travaux et les jours, on y vit la force et l'esprit de solidarité des travailleurs cassant la pierre et apercevant un navire plein de maïs ayant chaviré. Celui-ci sera aussitôt surnomé Amérique, comme un rêve d'abondance, possible seulement ailleurs...
Face à ces obstacles, il y a aussi la gouaille de chacun, la vitalité et la richesse des expressions métissées du créole transpercent dans l'écriture grâce au talent de conteur des écrivains. Et toujours, les accents mélancoliques de la morna qui traduisent à la fois une plainte et un attachement - « dichotomie du vouloir rester et du devoir partir ou du vouloir partir et du devoir rester ». L'amateur de dépliants touristiques sera déçu. Les autres n'oublieront plus.
Dès 1687, un petit livre élégant et accablant à la fois, la Relation de l'Inquisition de Goa, étonne l'Europe.
Son auteur, Charles Dellon, jeune médecin français originaire d'Agde, y conte par le menu les quatre années de captivité qu'il a passées en Inde, au Brésil et à Lisbonne aux mains de l'Inquisition portugaise. Traduit aussitôt en anglais, en allemand et en néerlandais, l'ouvrage connaît un succès durable et va jouer un rôle capital dans le combat contre l'intolérance à l'époque des Lumière. Voltaire s'en inspirera dans Candide ; Bayle, Limborch, Lesage, Montesquieu, le marquis d'Argens, d'Alembert, l'abbé Morellet, Beccaria, Buchanan, sans oublier la presse, l'ont remarqué, apprécié, utilisé.
Rares furent les esprits libres qui ne firent pas écho à ce témoignage au parfum de roman d'aventure doublé d'un redoutable pamphlet politique et religieux. Pour donner une réelle perspective à cette réédition commentée et illustrée, une étude liminaire, qui met au jour plus d'une source inconnue ou restée inédite, s'est souciée d'éclairer le lecteur sur l'histoire de l'Inquisition de Goa, le parcours dans le siècle d'un auteur méconnu, l'histoire compliquée d'un texte qui servit divers enjeux en France et à l'étranger, la véracité des faits rapportés, la fortune enfin d'une oeuvre qui demeure une impeccable analyse des tares et des excès de l'institution inquisitoriale.
La première édition grand format étant épuisée nous proposons cette anthologie dans une édition de poche reliée, élégante et toujours illustrée. Un régal qui accompagne parfaitement nos deux autres anthologies de Pessoa Anthologie essentielle et Lisbonne revisitée ! « Et si j'étais... » enrhumé comme Álvaro de Campos, heureux de vivre comme Ricardo Reis, païen comme Alberto Caeiro ? Dans Je(ux), le célèbre écrivain portugais Fernando Pessoa (1888-1935) se prête à des jeux d'enfants, de mots et de masques. Car derrière tous ces noms, ces personnages (ou « hétéronymes ») se cache un poète facétieux aux multiples talents. Cette petite anthologie, magnifiquement illustrée par Ghislaine Herbera, révèle le joueur qui est en chacun de nous et prouve que la poésie n'est qu'une vision du monde à travers les yeux d'un enfant espiègle.
Après l'arrivée de Christophe Colomb en Amérique (1492), le voyage de Vasco de Gama aux Indes par le cap de Bonne-Espérance (1497-1499) est l'un des événements majeurs de l'époque des Grandes Découvertes. Il se trouve que l'on a découvert en 1834 une relation du voyage de Vasco de Gama écrite par un homme qui y a personnellement participé, mais dont le nom n'est pas mentionné. Son identification avec un certain Álvaro Velho n'est pas certaine. Mais qu'importe. L'essentiel est que nous avons là un témoin oculaire. Cet homme n'est ni un écrivain, ni un chroniqueur, mais il partage les connaissances, les certitudes et parfois les illusions des marins portugais de son temps, et il parle de ce qu'il connaît. De là provient l'exceptionnel intérêt de ce récit. Cette nouvelle édition est complétée par les annexes du manuscrit (un mémoire sur les royaumes de l'Inde et un vocabulaire malais), et les trois lettres de marchands florentins présents à Lisbonne à l'arrivée des navires de Gama. Ces dernières rapportent des informations recueillies auprès des marins et constituèrent longtemps les seules narrations de cette expédition imprimées et divulguées en Europe.
L'ombre regarde le visage de la femme. Ses yeux sont très clairs et grands ouverts comme s'ils voulaient comprendre. L'ombre la touche. - Je suis le Diable - dit l'ombre. Et la nuit les enveloppe. La nuit tombe sur le Tage. Une certaine nervosité règne sur les berges du fleuve. Des silhouettes s'agitent. On entend des cris, des coups. Un corps bascule dans les eaux sombres sous le regard discret d'une ombre rampante. Un immigrant russe au nom de guerre Oulianov, ex-agent du KGB, puis ex-prisonnier à Lisbonne, sera contraint de mener la bataille la plus difficile de sa vie lorsqu'il mènera sa propre enquête pour retrouver sa soeur disparue et découvrir ses assassins. Dans ce roman noir où la ville de Lisbonne est un personnage à part entière, Pedro Garcia Rosado dresse un portrait au vitriol de la société lisboète où défilent la jet-set des beaux-quartiers et des environs chics avec son ancien capitaine d'industrie et ses deux rejetons tout puissants, des fonctionnaires municipaux corrompus et des policiers véreux (ou pas), des immigrés russes et des prostituées et, surgi des sous-sols inexplorés de la ville aux remugles fétides, un bien étrange personnage...
En 1543, les Portugais sont les premiers Européens à découvrir le Japon, où ils nouent aussitôt des liens commerciaux.
François Xavier y implante dès 1549 une mission jésuite. En 1597, commencent les premières persécutions. Le "siècle chrétien" s'achève tragiquement dans les années 1640-1650 : le pays se referme alors sur lui-même, et interdit son territoire à toute présence étrangère jusqu'en 1868. Le père jésuite Luís Fróis, qui résida plus de trente ans dans l'archipel nippon, fait en 1585 une description comparative des moeurs japonaises et européennes.
Série d'instantanés qui décrivent les principaux aspects de la vie quotidienne, ce texte est aussi extraordinairement moderne, presque oulipien. Souvent très drôle, il développe un discours imprévu sur nous et les autres, tout au long de notations regroupées en chapitres sur les hommes, les femmes, les chevaux, les enfants, la religion, les armes, les maladies, la musique, les navires, etc.