La poésie de Dany Laferrière exalte le goût du voyage et pénètre les mystères de la nuit tropicale.
Alain Mabanckou
« Masque noir masque rouge, vous masques blanc-et-noir, Masques aux quatre points d'où souffle l'Esprit, Je vous salue dans le silence ! ».
Souvent symboliste, toujours musicale, la poésie de Léopold Sédar Senghor s'inspire des chants incantatoires dont les mots et les rythmes se lient à la pensée et au corps. Dans ce volume, est réunie l'intégralité de son oeuvre : Chants d'ombre, Hosties noires, Éthiopiques, Nocturnes, Lettres d'hivernage, Élégies majeures, Poèmes perdus, ainsi que Dialogue sur la poésie francophone et un ensemble de poèmes divers.
Je brille comme une étoile, l'animal qui me regarde, est ébloui.
La création mythique des peuples indiens, l'usage et l'invention des noms indiens, les métamorphoses animalières, les litanies des chamans et médecins, tels sont les grands thèmes regroupés dans cette anthologie de référence. Poèmes, petites chansons, légendes, incantations, épopées se déploient au fil du livre et tracent une conception toute particulière de la langue, de la parole, de l'écrit. Pour les Indiens d'Amérique du Nord, qui s'appelaient simplement « Les Hommes » ou « Le Peuple », le mot était un acte, le poème agissait, l'art était la vie même. Véritable partition poétique, à la fois cosmogonique et musicale, d'une liberté d'imagination sans pareille, cette anthologie est un formidable hymne à la beauté.
Je réfléchis depuis longtemps.
À la forme maximale de cruauté.
Mais je n'ai rien trouvé d'autre qu'une journée.
Et une nuit et une autre journée et une autre nuit.
Laura Vazquez propose à travers cette anthologie une sélection de poèmes, dont certains inédits, publiés entre 2014 et 2021. À travers une écriture alerte et dépouillée, ses poèmes évoquent des thématiques essentielles telles que le corps, le langage ou les êtres humains. Les images qui tissent sa poésie construisent un univers animiste qui hypnotise et bouscule notre vision du monde et de sa réalité, donnant à entendre l'une des voix les plus singulières et percutantes de la création poétique contemporaine.
La voix pleine de sourires et pleine de larmes Sincère comme ce père noir qui repart en pleurs d'un parloir J'ai eu la chance quelque part d'avoir été sauvé par l'art oratoire Ce volume se compose des textes de l'album L'Hiver peul mais aussi de nombreux poèmes inédits de Souleymane Diamanka. L'auteur jongle avec les mots, les fait « métisser ». Sa poésie prêche l'oralité, apparie avec finesse ses cultures peule et européenne, parce qu'il est fier d'être « habitant de nulle part et originaire de partout », dépositaire d'un chant intemporel, d'un appel à l'Amour, à la Tolérance et à la connaissance de l'Autre.
Ce volume se compose du recueil Ferrements (1960) et d'un ensemble parcourant un demi-siècle de poésie. On y retrouve toute la force de la « parole essentielle » de Césaire : une poésie où le lyrisme vient conjurer l'informe, où l'imaginaire des Antilles, la sensualité des images, la flambée des mots rebelles éclairent les rêves et les angoisses d'un nouveau monde à forger.
Avec ce toucher vif et vibrant dont il a le secret, Thomas Vinau nous offre en quelque deux cent trente poèmes une histoire qui écope la tempête, les nuages et les mensonges pour que seul reste l'essentiel. Sans grands gestes, en toute simplicité, le poète croque le quotidien, s'interroge sur notre présent, illustre notre condition humaine. Juste après la pluie est un livre d'usage et de combat pour tous les jours.
Ce volume est constitué de la version définitive de Soleil cou coupé et de Corps perdu, réunis sous le titre général de Cadastre, auquel s'ajoute le dernier recueil d'Aimé Césaire, Moi, laminaire...
Et un matin le verbe perdit les échos de la création s'éparpillant dans des dédales de sable et de végétaux déchus et un matin la parole se confondit avec le fracas des ténèbres ce fut silence qui parla si fort Sont réunis ici, pour la première fois, un ensemble de textes poétiques de Louis-Philippe Dalembert, publiés entre 1989 et 2010. L'Histoire, la Révolution haïtienne, le vagabondage, l'enfance, la mort en dessinent la toile de fond. Lire Louis-Philippe Dalembert, c'est tendre l'oreille au bruit du monde et être en phase avec la Parole. Le poète nous en traduit l'essence dans un style tour à tour lyrique, alerte et concis.
C'est de la « mauvaise herbe », un copain de Brel et Ferré ; c'est un portraitiste d'exception aux mélodies décalée ; un poète, qui chante Ronsard et Villon ; un timide aussi, qui fredonne « sous un coin de parapluie ». Plus de deux cents chansons scandent cette ballade du temps jadis, menée par le parolier génial qu'était Brassens, l'éternel « polisson de la chanson ».
Comme tant de grands poèmes mallarméens, le présent recueil décrit un combat, la « lutte d'un génie et de la mort ». Ces « éclats » poétiques, que Stéphane Mallarmé rassembla après la mort de son fils Anatole, âgé de huit ans, apparaissent aujourd'hui d'une modernité saisissante. Aucune oeuvre du poète ne possède la qualité brûlante, immédiate, la puissance crue d'émotion que l'on trouve dans ces pages.
L'importante introduction de Jean-Pierre Richard souligne la profondeur, la rigueur de Mallarmé, et met en lumière la subtile cohérence de cette méditation douloureuse.
J'accroche une rose à mes cheveux Je chante le pacte de la route J'ai besoin de ton regard Pour tracer l'écart Entre l'exil et mon visage.
Passeur de mots, de formes et de mémoire, Rodney Saint-Éloi est une des voix majeures des lettres contemporaines. Son oeuvre, à l'écoute du monde, est une longue traversée des villes et des visages. Nous ne trahirons pas le poème célèbre la Poésie comme moyen de survie, invoque la Femme symbolisée par le baobab ancestral et préfigure la Renaissance dans une « ville d'eau, de terre et d'arcs-en-ciel heureux ». La parole de Saint-Éloi, tendre et rebelle, est un véritable baume en ces temps où nos sociétés sont à la quête d'un centre de gravité...
Les trois oeuvres réunies ici pour la première fois, Le Développement des lignes, Voix seule et Scène tournante, n'en forment en réalité qu'une seule. Oscillant entre la poésie et le récit, l'auteur y déploie de nouvelles cosmogonies intimes, brisant les lignes du roman.
Préface inédite de l'auteur
Ton oeil bleui devient l'étoile.
Qui éclaire l'accalmie.
Soleil derrière. Soleil devant. Des soleils. Soleils émergeant sans cesse du bleu de l'être. Ils réchauffent, ils brûlent, ils aveuglent. Et reviennent sans cesse à seule fin de cacher une ombre, de la ravir à la vue. Elle ne peut pourtant m'apparaître que si je fixe pour l'immobiliser, toute cette lumière qui se refuse d'être autour de moi, traçant un cercle de peur, d'ombre, de silence. La présence est là dans ce présent approché avec soin, car le sang peut jaillir comme les souvenirs. Une vie d'homme est en jeu.
« Quand la frénésie de l'or draina au marché la dernière goutte de sang indien / De sorte qu'il ne resta plus un seul Indien aux alentours des mines d'or / On se tourna vers le fleuve musculaire de l'Afrique / Pour assurer la relève du désespoir ».
La langue de René Depestre est à nulle autre pareille : sensuelle, vaudoue, impertinente, fougueuse et combattante. Celle d'un poète combattant, exilé à Cuba aux côtés de Castro et Guevara avant de dénoncer les dérives du régime. Sa soif de liberté et de justice résonne à chaque vers, dans chaque image, dans chaque trouvaille, dans chaque illumination. Il faut lire René Depestre. On en ressort vivifié.
Un jour, j'oublierai mon nom, ma ville et ma vie, sans façons et sans style, où ne sont passés que les mots dans le tamis des vents.
La Monnaie des songes et autres recueils est à la fois un inventaire des fêlures de notre temps, un hymne pour un autre humanisme, un hommage à la négritude et aux artistes contemporains tels Gaël Faye ou MC Solaar. Marie-Christine Gordien s'impose comme la « voix des sans-voix », dans ce volume traversé de bout en bout par un lyrisme aussi attachant qu'inoubliable et porté par le rêve du métissage de notre langage.
« en avant des choses des mots un vaste silence remué du dedans vibre lent ».
Ce volume réunit les poèmes d'Antoine Emaz parus entre 1990 et 1997. Sa poésie, parfois d'une extrême concision, tend vers le plus de justesse possible, au ras du réel. De courts textes en vers libres alternent avec des paragraphes brefs, justifiés, comme des blocs denses. Ici les mots sont des « grains de sable », édifices dérisoires qui sculptent le vide, le temps, le non-sens. Un auteur essentiel de la poésie française contemporaine.
« Je suis assez mal portant, vis dans un trou perdu entre des chicots d'arbres calcinés et, périodiquement une sorte d'obus se traîne, parabolique, et tousse - ».
Jacques Vaché écrit ainsi son existence au front, dans une lettre célèbre à André Breton. Il a alors et pour toujours 23 ans, la Première Guerre mondiale va finir et il devient une légende. Personnage remarquable par son aptitude à résister au désastre, Jacques Vaché instille dans ses lettres un ton désinvolte et subversif qui dévitalise les nerfs de la guerre et électrise les avant-gardes naissantes.
La sélection présentée ici comporte plusieurs lettres inédites et permet, au-delà du destin tragique et de la légende, d'apercevoir un jeune homme travaillé par la condition humaine et trop souvent escamoté derrière l'appellation « Dandy des tranchées ».
Françoise Chandernagor nous convie à la lecture des textes de femmes poètes francophones de tous horizons et nous raconte leurs vies si souvent tumultueuses. De ces regards de femmes sur l'amour émerge peu à peu, au sein d'un patrimoine poétique jusqu'ici essentiellement masculin, un chant singulier.
De la très sensuelle Béatriz de Die à la romantique Marceline Desbordes-Valmore, de la sulfureuse Renée Vivien à la pieuse Marie Noël, des « troubadouresses » aux « garçonnes », des plumes québécoises aux plumes libanaises, voici un panorama incomparable de l'amour à travers neuf siècles d'expression poétique.
Ma Douce, entrons dans le jardin abandonné, / Dans le jardin sauvage, exquis et funéraire / Où l'autrefois se plaît à rôder, solitaire / Et farouche, tel un vieux roi découronné.
Renée Vivien était brillante, amoureuse des femmes, désarmante de candeur et de perversité feinte. Elle était surtout une poétesse admirable en proie à la solitude, hantée par d'impossibles désirs. Celle qu'on surnomma « Sapho 1900 » se voyait comme une nouvelle Anne Boleyn, la reine décapitée. Elle nous laisse des vers d'une beauté et d'une puissance insensées. Dans sa poésie flamboie l'esprit de décadence qui, selon les mots de Verlaine, est « l'art de mourir en beauté » - ce que Renée Vivien a fait tout au long d'une vie trop courte, uniquement dédiée à l'amour et à la littérature.
Pauline Mary Tarn (1877-1919) est la fille d'une Américaine et d'un Britannique fortunés. Cette aisance lui permet de voyager à travers le monde. Elle finit par s'installer à Paris, et adopte Renée Vivien pour nom de plume. Elle s'éteint à 32 ans, après deux ans d'une lente agonie durant laquelle, ne se nourrissant plus, elle sombre dans l'alcool et la drogue.
Tour à tour nostalgique, apaisé, révolté, le poète-romancier Alain Mabanckou évoque les odeurs et les sons qui ont bercé son enfance, rend hommage à la nature bienfaisante et célèbre ses racines. Sa poésie, tout comme le fleuve Congo, coule, fluide et méditative, là où se rencontrent les voix de l'Afrique, terreau de toutes les espérances.
Le titre donné par Silvia Baron Supervielle à ce volume, qui réunit un choix de ses poèmes et dévoile de nombreux inédits, ne pourrait pas être plus heureux. Le mot Marge renvoie non seulement aux espaces blancs de ses pages, mais encore au concept de rive, que son roman La Rive orientale a consacré, et qui s'applique comme une ample métaphore à ses diverses expériences créatives : de la traversée de la traduction, du changement de langue et de pays jusqu'au miroir des rives confrontées qui surgit de la magie de la distance.
Réunissant des poèmes inédits en français tirés de ses plus grands recueils (tels que Poésie en forme de rose) et des poèmes issus de manuscrits retrouvés, le deuxième volume de cette anthologie de référence forme le reflet objectif de l'oeuvre poétique de Pasolini. Un ouvrage-somme pour mieux comprendre cet artiste protéiforme qui luttait contre l'hypocrisie, les bien-pensants, la société consumériste, l'académisme. et contre lui-même.
« C'est un pays où l'on doit justifier sa vie en publiant au moins un recueil de poèmes. » écrit Dany Laferrière, dans son discours prononcé le 28 mai 2015 à l'occasion de son entrée à l'académie française. En Haïti, la poésie est considérée comme le genre littéraire par excellence. Il faut dire que des poètes incontournables du mouvement surréaliste sont passés par là. Aujourd'hui, une nouvelle génération de poètes voit le jour. Qui sont-ils ? A quelle source s'abreuvent-ils ? James Noël est allé à la rencontre de 65 poètes haïtiens pour récolter ce que chacun d'entre eux considère comme les cinq plus beaux poèmes qu'ils n'aient jamais écrits.
Né en Haïti en 1978, James Noël est écrivain, poète, acteur et chanteur. Il est aussi fondateur de la revue lntranQu'îllités (éditions Zulma).