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tomas eloy martinez
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on dit qu'il ne chante plus que dans quelques cabarets malfamés du port.
on dit aussi qu'il est très malade mais qu'il chante parfois dans un vieux bar du centre-ville. certains affirment qu'ils l'ont entendu chanter dans un square de palerme, l'ancien quartier italien, et d'autres vont jusqu'à dire qu'il se produit inopinément sur les marchés populaires des faubourgs. bruno cadogan regarde perplexe la carte de buenos aires et essaie de déceler la logique qui commande les dernières apparitions de julia martel.
car ce légendaire chanteur de tango à la voix obscure et envoûtante, l'homme qui n'a jamais voulu enregistrer de disques, est bien plus qu'un mythe urbain. martel est un artiste accompli qui ne laisse rien au hasard et qui dessine par sa présence (et son absence) une autre carte de la ville, les traits d'une énigme. volontaire, résolu, le jeune américain est prêt à tout pour le rencontrer et pour l'entendre chanter ces étranges morceaux dont il est le seul à connaître les paroles et le sens.
mais sa quête va le conduire là où il ne l'attend pas : au cour même de l'insurrection populaire de 2001 qui fait chuter les présidents les uns après les autres. bruno cadogan se trouve ainsi emporté par le tourbillon de l'histoire dans un buenos aires rebelle et assoiffé de justice où la voix de julio martel est devenue l'un des symboles de l'espoir.
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Purgatoire raconte l'histoire d'Emilia Dupuy, dont la vie s'est brisée un jour de juillet 1977, près de la ville de Tucumán, dans le nord de l'Argentine.
Avec son mari Simon, cartographe comme elle, ils étaient partis en mission dans cette région lointaine pour parachever la carte d'une route internationale à la demande de l'Automobile Club de Buenos Aires. C'est alors qu'ils sont arrêtés par les militaires en raison de leurs activités « suspectes », ils détiennent en effet, pour leur travail, des cartes topographiques de toute la zone. Après avoir été détenue et torturée, Emilia est libérée par les autorités grâce à l'intervention de son père, le Docteur Dupuy, l'un des intellectuels du régime, dont les idées guident l'action de la dictature.
Emilia rentre à Buenos Aires où elle pense retrouver Simon. Mais Simon ne rentrera jamais. Le calvaire d'Emilia s'étend sur plus de trente ans. Elle part chercher son mari à Rio où un témoin dit l'avoir vu ; elle parcourt les bidonvilles de Caracas et de Mexico où elle croit pouvoir retrouver sa trace. Elle n'accepte pas les conclusions de l'enquête menée par des ONG après la chute de la dictature ni les déclarations de plusieurs soldats qui ont vu le cadavre de Simon dans le patio d'une caserne.
Emilia pense que son mari est toujours en vie car elle « sent » sa présence. Qui plus est, vers la fin de sa vie, elle le voit enfin et le retrouve mais comme dans un rêve, ou est-ce la projection de son esprit dérangé ? Car Emilia vit avec les démons du passé : la culpabilité d'un père qu'elle refuse de s'avouer (ce bras droit des militaires n'a eu aucun mal à faire « disparaître » son gendre, jugé « subversif »), et les cauchemars d'une époque effroyable qu'elle a vécue comme un zombi, assommée par la violence psychologique exercée par sa famille et par la société tout entière.
Tomás Eloy Martínez, l'un des intellectuels argentins qui a dénoncé avec le plus de force et d'indignation les crimes de la dictature militaire de son pays, nous raconte cette histoire d'amour et d'obsession dans deux cadres temporels alternés : celui de la dictature et, trente ans plus tard, celui des derniers jours d'Emilia, devenue bibliothécaire dans une petite ville du New Jersey. La narration passe d'un contexte à l'autre, d'une époque à l'autre, et nous offre, à la fois, une fresque historique des années noires de l'Argentine et le portrait intime d'une femme seule, déséquilibrée et hantée par son passé.
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Juin 1973 : une foule d'un million de personnes attend le retour triomphal du général Perón à Buenos Aires après dix-huit ans d'exil. Dans l'avion, Perón met la dernière main à ses Mémoires. Penché sur son passé, il songe aussi à un avenir improbable : que va devenir l'Argentine en proie aux factions péronistes prêtes à s'entretuer ? Bâti sur le principe qui a fait le succès de Santa Evita- un mentir-vrai qui mêle l'Histoire et la fiction et passe la réalité au tamis de l'imaginaire -, Le Roman de Perón est un de ces récits foisonnants et baroques dont les grands auteurs sud-américains ont le secret.
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Lorsqu'elle naît dans un trou perdu de la province argentine, le destin de María Eva Duarte, fille illégitime d'un petit propriétaire terrien, paraît tout tracé : elle ne sera rien, forcément, et son existence aura pour tout horizon la campagne misérable, vide et infinie. Pourtant, la petite fille au regard intense et dur grimpera tout en haut de l'échelle. Accrochée aux basques d'un chanteur de tango de passage dans son village, elle débarque à Buenos Aires : elle y crèvera la faim, jouera de son corps, deviendra une vedette du feuilleton radio et finira par épouser le colonel Perón, futur dictateur, dont elle sera l'égérie, haïe par les uns, saluée par les autres. À l'âge de trente-trois ans, quand un cancer emporte son corps ravagé, elle est plus que la première dame du pays : elle est devenue Santa Evita, la madone des sans-chemises, les descamisados.
Or le destin de son corps après la mort sera aussi hallucinant que sa brève existence. Embaumé pour être livré à l'adoration populaire, il est subtilisé en 1955 par les militaires qui chassent Perón du pouvoir. Commence alors une invraisemblable errance, dont les stations ressemblent à un inventaire à la Prévert : casernes, ambulances, camions, hangars, cinémas désaffectés, jardins d'ambassades, cimetières milanais discrets. Et tous ceux qui auront eu la garde, à un moment ou un autre, du corps immortel de Santa Evita, verront leur vie détruite comme par une malédiction, sombrant dans la démence, l'alcool, le meurtre.
C'est cette double histoire, celle d'un cadavre immortel et du corps vivant qui l'a précédé, qui forme la trame de ce roman qui est une biographie et de cette biographie qui ne cesse de se métamorphoser en roman sous nos yeux.
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G.
M. Camargo, le très redouté directeur d'un quotidien de Buenos-Aires, est obsédé par Reina Remis, une talentueuse journaliste beaucoup plus jeune que lui. Son orgueil l'aveugle : incapable de comprendre que les sentiments d'autrui n'obéissent pas à sa volonté, il se trouve entraîné dans une histoire d'amour dont il sortira transfiguré. A partir de cette intrigue classique, Tomas Eloy Martinez bâtit un puissant roman autour des thèmes du désir et du pouvoir.
La corruption et l'impunité des dirigeants dans un pays en crise forment la toile de fond d'un récit dont l'imprévisible fin renvoie le lecteur à la première ligne, par un jeu de miroirs digne de Borges. Salué par la critique dès sa parution, Orgueil s'est vu décerner le prestigieux prix Alfaguara.