"Partout dans le monde, la question du genre est cruciale. Alors j'aimerais aujourd'hui que nous nous mettions à rêver à un monde différent et à le préparer. Un monde plus équitable. Un monde où les hommes et les femmes seront plus heureux et plus honnêtes envers eux-mêmes. Et voici le point de départ : nous devons élever nos filles autrement. Nous devons élever nos fils autrement."
Dans ces deux discours, Chimamanda Ngozi Adichie porte une voix, rare et puissante, d'émancipation.
Elle est parfois paresseuse, souvent têtue, mais toujours affectueuse. Il s'agit de Modestine, l'ânesse qui accompagne, dans ce récit autobiographique, Robert Louis Stevenson, lors de sa singulière traversée des Cévennes. Ensemble, ils partagent cette aventure, ponctuée de multiples rencontres et imprévus. Et malgré leur lien orageux, une amitié atypique éclot peu à peu au sein de ce duo aussi original qu'attachant.
' Il faisait déjà chaud. J'attachai ma veste au paquetage, et je cheminai en bras de chemise. Modestine elle-même était de fort bonne humeur, et se lança spontanément, pour la première fois à ma connaissance, dans un trot cahoté qui, à chaque secousse, envoyait les avoines danser dans la poche de mon manteau. Derrière moi, au nord du Gévaudan, la vue s'étendait à chaque pas.
"Le visage de Miss Barrett était le visage las d'une malade, privée d'air, de lumière, de liberté. Le sien était le chaud visage coloré d'un petit animal ; débordant de santé et d'énergie. Séparés et pourtant issus du même moule, se pouvait-il que chacun exprimât ce qui sommeillait en l'autre ? Elle aurait pu être - tout cela ; et lui - Mais non. Entre eux s'ouvrait le gouffre le plus profond qui puisse séparer deux créatures. Elle avait le don de la parole. Il en était privé. Elle était une femme ; il était un chien. Étroitement liés, à jamais distincts, ils restaient là à s'observer."
Une biographie fictive emplie de tendresse, qui reflète avec finesse la relation touchante de Miss Barrett et de Flush, son jeune cocker. Entre eux se crée un dialogue silencieux, dépourvu de mots, mais empreint de gestes et de regards affectueux.
Comment résister à la tentation lorsque même notre âme essaie de nous corrompre ? Pour rester auprès de la sirène qu'il aime éperdument, un pêcheur va devoir aller à l'encontre de l'éthique et affronter la noirceur de son âme.
Trois contes emplis de poésie où l'on retrouve les thématiques du Portrait de Dorian Gray et l'ironie mordante de son auteur, qui démontre que tous les contes ne riment pas avec "ils vécurent heureux et eurent beaucoup d'enfants".
Dans la campagne russe, au coeur de l'été, on passe le temps en bonne société en jouant aux cartes, en se promenant au bord du lac, en buvant du thé fumant ou en allant au bal. C'est là que Vladimir Serguéïtch Astakhov, arrivé de Saint-Pétersbourg pour inspecter le village dont il est propriétaire, rencontrera deux femmes. L'une est aussi froide que l'autre est entreprenante. À force d'indécision, elles lui échapperont toutes les deux et Vladimir Serguéïtch verra, dans cet été, la fin d'une époque insouciante.
'Mon manager, Bradley Stevenson, qui au cours des années a été un ami précieux à sa manière, soutient que j'ai en moi l'étoffe d'un vrai pro. Pas seulement comme musicien de studio, mais comme vedette de première division. Il est faux que les saxophonistes ne deviennent plus des vedettes, affirme-t-il, et il répète sa liste de noms. Marcus Lightfoot. Silvio Tarrentini. Ce sont tous des musiciens de jazz, fais-je remarquer. C'est bien ce que tu es, non? réplique-t-il. Mais je ne le suis encore que dans mes rêves les plus secrets. Dans le monde réel - quand je n'ai pas le visage entièrement enveloppé de pansements comme en ce moment - je suis juste un ténor payé à la journée, raisonnablement sollicité pour l'enregistrement en studio, ou lorsqu'un groupe a perdu son saxo habituel. S'ils veulent de la pop, je joue de la pop. R&B? Parfait. Publicités pour des voitures, thème musical d'un talk show, j'accepte. Ces temps-ci je suis un musicien de jazz seulement quand je suis enfermé dans mon réduit.'
Dans ces deux nouvelles construites en écho, se croisent et se répondent, de Venise à Beverly Hills, quelques magnifiques figures de musiciens désenchantés.
"Épuisant ou pas, il n'y a pas de meilleur moyen de voir l'Ouest que de prendre un bon vieux bus et de foncer à toute allure sur de bonnes routes pour arriver dans toutes sortes de villes grandes et petites où vous pouvez descendre et parfois marcher pendant une heure entière, voir le monde et revenir au bus pour repartir. Quand j'ai acheté mon billet de San Francisco à New York en passant par le Nord-Ouest sur la côte Pacifique, le préposé a cru que j'étais fou. Je prenais le chemin du retour en traversant le continent avec mes dix sandwiches et un ou deux dollars en poche".
Le titre est constitué des 7 textes suivants: Croyance et technique pour la prose moderne; Principes de prose spontanée; La grande traversée de l'Ouest en bus; En route vers la Floride; Agneau, pas lion; Contrecoup : la philosophie de la Beat Generation et Esquisses de Manhattan.
Femme-enfant ingénue, la belle O-Tsuya apprend vite à user de ses charmes et devient une courtisane accomplie qui excelle à corrompre et manipuler les hommes. Jeune et naïf, Shinsuke est une proie facile. Mais qui sait jusqu'à quelles folies peut conduire la passion ?
Avec un talent incomparable, Tanizaki met en scène une dramatique histoire d'amour dans le Japon du XIXe siècle.
"C'était une nuit merveilleuse, une de ces nuits comme il n'en peut exister que quand nous sommes jeunes, ami lecteur. Le ciel était si étoilé, un ciel si lumineux, qu'à lever les yeux vers lui on devait malgré soi se demander : se peut-il que sous un pareil ciel vivent toutes sortes d'hommes irrités et capricieux ? Cela aussi, c'est une question jeune, ami lecteur, très jeune, mais puisse le Seigneur vous l'inspirer souvent !..."
Le "roman sentimental" du maître russe, magistralement adapté au cinéma par Luchino Visconti.
Par son écriture poétique, Federico García Lorca, tel un peintre, esquisse le paysage et brosse les couleurs d'Albayzin, le quartier arabe de Grenade. Cheminant le long des rues, il guide les lecteurs dans son univers, aussi lumineux et coloré qu'obscur et mystérieux. Premières pages écrites par le jeune Federico García Lorca, ce recueil d'impressions et de paysages renferme toute la sensibilité de la plume de l'auteur espagnol.
' Puis, lorsque nous nous sommes reposés, toutes les impressions réapparaissent, les unes splendides, les autres vagues et confuses, comme si les souvenirs avaient déjà pris des teintes de crépuscule expirant et recouvert d'une brume bleutée les choses que nous vîmes...
"Très cher père,
Tu m'as demandé récemment pourquoi je prétends avoir peur de toi. Comme d'habitude, je n'ai rien su te répondre..."
Réel et fiction ne font qu'un dans la lettre désespérée que Kafka adresse à son père. Il tente, en vain, de comprendre leur relation qui mêle admiration et répulsion, peur et amour, respect et mépris.
Réquisitoire jamais remis à son destinataire, tentative obstinée pour comprendre, la Lettre au père est au centre de l'oeuvre de Kafka.
Sous prétexte d'aller chercher ses droits d'auteur à Londres, Kerouac flâne à travers l'Europe. Il découvre les charmes troubles de Tanger, les paysages de Cézanne, les promenades émerveillées dans Paris, la pluie normande et les brumes de Londres...
Dans un brillant plaidoyer en faveur des vagabonds, il se place sous l'égide de Virgile, de Benjamin Franklin ou de Walt Whitman, pour revendiquer le droit à l'errance, aux nuits à la belle étoile, aux rencontres et à l'imprévu.
Guerre d'Espagne, sort réservé aux plus pauvres dans les hôpitaux du début du XXe siècle, vocation d'écrivain mêlée de vision politique, formes subreptices de la censure littéraire... Dans ces six textes aux multiples échos avec ses grandes oeuvres, l'auteur de 1984 et de Dans la dèche à Paris et à Londres déploie toute la force de son engagement.
« Je le répète, il n'y a pas de livre dénué de préjugé politique. L'idée selon laquelle l'art ne devrait rien avoir affaire avec la politique constitue elle-même une opinion politique. »
'De là je suis allé à Paris, où il ne se passait rien si ce n'est que la plus belle fille du monde n'aimait pas mon sac à dos et avait rendez-vous avec un type à petite moustache debout une main dans la poche et un sourire méprisant aux lèvres devant les cinémas de nuit de Paris.'
Qu'est-ce qu'être 'Beat'? À travers ses thèmes de prédilection - la littérature, le jazz, le voyage, la route, le bouddhisme, le zen... - l'auteur de Sur la route nous entraîne vers la réponse à un rythme hypnotique.
Un été sur la Riviera italienne. Un professeur d'une trentaine d'années rejoint pour les vacances Doro, un ami de jeunesse marié depuis peu. Durant ce séjour ligure où le soleil contraint aux temps longs de l'ennui et de la contemplation, il ne cessera - depuis sa solitude - d'observer le couple se mouvoir.
Un bref roman de Cesare Pavese, maître de la littérature italienne et plume inconsolée du Métier de vivre et de Travailler fatigue.
"Dans chaque coeur ici-bas circulent d'étranges sentiers de contrebande entre le Bien et le Mal, la chair et l'esprit, et il s'avéra bientôt que c'était précisément cette dualité d'une nature inattendue qui menaçait la paix des âmes. Car comme les jumelles, malgré une conduite extrêmement dissemblable, restaient à peine distinguables physiquement, ayant même silhouette, même couleur d'yeux, même sourire et même charme, quoi de plus naturel à ce que naquît chez les hommes de la ville un trouble passionné."
Qu'il s'attache à la rivalité entre soeurs jumelles ou aux premiers émois d'un adolescent, Zweig touche, dans ces récits enchâssés, au plus ténu des mouvements intérieurs.
"Il fut un temps, m'expliqua-t-il, où je ne m'appuyai que sur la raison, pour découvrir ensuite que la raison ne pouvait supporter tout le fardeau de la vie. Il fut un autre temps où je ne m'appuyai que sur l'émotion, pour découvrir que c'était un abîme sans fond. La raison et l'émotion, vois-tu, étaient miennes. L'homme ne peut s'appuyer sur lui seul. Je n'ose rentrer en ville avant d'avoir trouvé mon soutien.
- Que suggères-tu donc ?
- Allez tous deux à Calcutta."
Dans À quatre voix (Chaturanga, 1916), classique de la littérature bengalie, fascinante méditation sur la foi et le cheminement spirituel, mais aussi histoire d'un amour, se déploie tout le souffle du grand écrivain indien, Prix Nobel en 1913.
'"J'adore les bijoux, renchérit Percy, enthousiaste. Naturellement, je ne voudrais pas que cela se sache à l'école, mais j'en ai moi-même une collection intéressante. J'en faisais la collection avant de me mettre aux timbres.
- Et des diamants, reprit John, avec exaltation. Les Schnlitzer-Murphy avaient des diamants gros comme des noix...
- Ça, ce n'est rien." Percy s'était penché vers lui et avait baissé la voix au point qu'elle n'était plus qu'un simple murmure. "Ce n'est rien du tout. Mon père a un diamant plus gros que l'hôtel Ritz-Carlton."'
Pièce maîtresse de l'oeuvre fitzgéraldienne, Le diamant gros comme le Ritz déplie singulièrement l'un des grands thèmes de son auteur : le faste et ses fantômes.
L'entrée de Barack Obama à la Maison-Blanche en 2009 a marqué un tournant dans l'histoire des États-Unis. Il s'est notamment imposé au fil des ans comme un orateur hors pair, et nombre de ses discours demeurent en mémoire. Cette anthologie en rassemble huit. Dans une langue tour à tour déterminée, grave ou encore exaltée, Barack Obama n'a de cesse de réaffirmer son amour et sa confiance en son pays et ses habitants et, quelles que soient les circonstances, de toujours véhiculer un message porteur d'espoir, à l'image de son slogan : Yes, we can !
"Parce que le plus puissant vocable de notre démocratie, c'est ce "Nous". "Nous, le peuple." "Nous vaincrons." "Oui, nous pouvons." Ce mot, personne ne le possède. Il appartient à tous. Oh, quelle glorieuse mission nous a-t-on confiée, de tâcher sans cesse d'améliorer ce grand pays qui est le nôtre !"
Un soir, l'écrivain Hugh Vereker fait une révélation à un critique littéraire. Son oeuvre tout entière serait traversée et guidée par une "chose particulière" qui, bien qu'elle y soit "contenue aussi concrètement qu'un oiseau dans une cage", n'aurait jamais été aperçue. C'est pourtant elle, explique-t-il, qui "commande chaque ligne", "choisit chaque mot", "met le point sur chaque i", "place chaque virgule"! Le jeune critique ne cessera dès lors de chercher, désespérément, cet énigmatique oiseau, ce motif caché...
Une fascinante méditation sur la lecture par l'auteur du Tour d'écrou.
"J'espère que, quand on reverra la Constitution, les droits de la femme seront enfin comptés pour quelque chose et respectés comme ils doivent l'être, surtout quand il sera bien prouvé, comme cela ne peut manquer de l'être, que la raison exige que l'on fasse attention à leurs plaintes et réclame hautement justice pour une moitié de l'espèce."
Directement inspiré par la pensée des Lumières, un texte puissant et original, par une figure majeure du féminisme anglo-saxon.
' Blumfeld, un célibataire plus très jeune, regagnait un soir son logement, ce qui était une tâche éprouvante, car il habitait au sixième étage. Pendant cette ascension, il pensait, comme souvent ces derniers temps, que cette existence totalement solitaire était bien ennuyeuse, qu'il était là réduit à gravir ces six étages littéralement à l'insu de tous pour arriver en haut dans sa chambre déserte, pour à nouveau littéralement à l'insu de tous y passer sa robe de chambre, allumer sa pipe, lire un peu une revue française à laquelle il était abonné depuis des années, tout en sirotant un kirsch qu'il faisait lui-même, et finalement, au bout d'une demiheure, se mettre au lit. '
Empreints de thématiques chères à l'auteur, comme les rapports sociaux ou le sens de la vie, ces textes reflètent la singularité et l'originalité de la plume d'un des écrivains majeurs du XXe siècle.
"La femme à laquelle je faisais allusion s'appelait Passuk. Je l'ai achetée en bonne et due forme à sa tribu, qui était de la côte et dont le totem chilkat était dressé à l'extrémité d'un bras de mer. Mon coeur n'a rien eu à voir là-dedans et je n'ai même pas examiné si elle était belle ou pas. Car ses yeux n'ont guère quitté le sol, et elle était timide et craintive, comme le sont les filles lorsqu'elles sont jetées dans les bras d'un inconnu."
Dans un Grand Nord impitoyable où la nature et les lois ancestrales régissent l'existence des habitants, Jack London dépeint les destins mêlés d'hommes et de femmes téméraires, dignes, mais aussi vulnérables. Et quand la mort entre en jeu, le courage ne se manifeste pas toujours là où on l'attend.
Dans ces textes de jeunesse, Marina Tsvétaïéva touche à un genre pour lequel elle demeure méconnue - le théâtre -, y nouant courtes intrigues et petites scènes narratives autour de la rencontre amoureuse. C'est encore cependant sa plume versifiée qui frappe par son
incandescence dans ces deux tableaux où se meuvent, poétiquement, silhouettes brûlant d'absolu et solitudes sans remède.
Le monsieur : Écartez-vous ! Vous allez brûler vos cheveux !
La dame : Ne craignez rien pour moi ! Je suis moi-même Feu.