De l'Asie à l'Amérique, de l'Europe au continent Africain, Raymond Depardon a passé sa vie à sillonner le monde. L' « Entre-temps » est pour lui cet espace dans lequel le temps se dissout, un endroit où il retrouve ses habitudes. C'est donc entre deux moments forts, entre deux voyages, qu'il va s'attarder à photographier les petites choses, à l'opposé de ce qu'il voit à l'étranger : des rues parisiennes connues, des cafés, des scènes de vie en famille, des détails de la ville, une forme de solitude urbaine qui le caractérise bien.
Chaque image devient alors un récit unique. Au contraire de certaines séries dans lesquelles les photographies s'enchainent pour créer une narration, les images d'Entre-temps fonctionnent en miroir : l'une répond à l'autre sur la double page du livre, par opposition ou par complémentarité. L'histoire est fragmentée, plus libre, prompt à être réinventée. L'espace-temps est perdu de manière volontaire et devient presque inutile.
L'ouvrage Entre-temps célèbre cette force qu'a l'artiste de projeter des détails de sa propre vie pour les faire résonner dans la nôtre.
Alors qu'il faudrait toute une vie pour maîtriser chacune de ces techniques, Klein a produit une oeuvre transversale dans laquelle chaque médium fait écho à un autre. Considéré comme l'un des grands créateurs d'images du xxe siècle, il a développé une oeuvre protéiforme, qui a profondément influencé de nombreux artistes, tant photographes que cinéastes.
William Klein - Yes, publié à l'occasion de sa grande exposition rétrospective à l'International Center of Photography (ICP), à New York, retrace la carrière de l'artiste dans un livre référence : près de 400 pages et environ 250 images permettent de découvrir ou de redécouvrir le travail photographique et cinématographique, mais également l'oeuvre picturale, à la base de sa pratique. À ce titre, la publication s'ouvre sur ses premières peintures, avant de dérouler, de manière chronologique, ses différentes séries : des plus célèbres comme les photos de rue de New York ou Tokyo, en passant, entre autres, par Paris, Rome, ou Moscou, jusqu'à ses oeuvres plus récentes et ses films. Ultime ouvrage monographique, William Klein - Yes est complété d'un long essai de David Campany, directeur de l'ICP et commissaire d'exposition de renommée internationale. Campany évoque le parcours de Klein, comment il est devenu l'artiste qu'il est aujourd'hui. Cette introduction est richement illustrée de documents qui viennent éclairer la relecture de l'oeuvre. À l'instar de toutes ses publications, cet ouvrage, à la mise en pages très graphique, a été conçu en étroite collaboration avec Klein.
Son rapport très intuitif et physique aux lieux immerge le spectateur dans un univers qui emprunte à la fois au monde du cinéma et à celui de la peinture. « Une bonne photo est une photo qui dit beaucoup de choses sur le lieu et le moment où elle a été faite », précise le photographe. L'espace donc - sa complexité, la perception que nous en avons, sa plasticité - est à l'égal de la couleur une composante majeure des images de Gruyaert, comme si la dualité entre couleur et spatialité - sujet majeur des beaux-arts des siècles précédents - se dissolvait pour au final créer une oeuvre où seul importe le plaisir de l'immersion.
Basculer dans l'image, dissoudre les frontières entre espaces extérieur et intérieur, monde clos ou au contraire ouvert sur l'ailleurs : Between Worlds offre une immersion sensorielle. Peu importe les lieux (boutiques, gares, cafés, métros, chambres d'hôtel, malls...), les pays (Europe, Moyen-Orient, Asie, États-Unis, Afrique...), l'époque (des années 1970 à aujourd'hui), le photographe déploie ici l'essence même de son écriture visuelle : une alchimie lumineuse dans un temps suspendu. Où sommes-nous ? Peu importe, seul règne le délice de se perdre. Au fil d'un editing réalisé comme un « carottage » dans ses archives, Harry Gruyaert montre qu'au-delà du merveilleux coloriste qu'il est, ses images, avec leurs jeux de transparences et de mise en abyme, racontent aussi l'illusion du monde.
Chacune de ses images raconte une histoire, saisit des fragments de vie de femmes et d'hommes issus de la middle class, du monde agricole, des mornes banlieues ou des rues agitées des grandes métropoles que sont New York, Chicago, Los Angeles ou encore sa ville natale, Minneapolis.
Travaillant exclusivement en argentique, Arndt capture dans des noirs et blancs veloutés une Amérique populaire, avec ses quartiers pauvres, ses comptoirs de diners, ses vitrines de supérette, ses trucks et Cadillac... Des instantanées de vie restitués avec empathie et une grande science du cadrage. Les enseignes lumineuses, les reflets dans les vitrines (thème qui traverse toute l'oeuvre du photographe), les silhouettes prises sur le vif, sont autant de détails qui structurent l'image photographique. Lumières et lignes architecturales composent des images puissantes, des icônes d'une Amérique intemporelle. De la série des Farmers, réalisée dans le Dakota, aux rues de New York avec ses gosses et sa faune de noctambules, Tom Arndt montre la solitude, l'errance, l'ennui, le quotidien, la simplicité et l'âpreté du monde.
Pour ce premier ouvrage monographique publié en français, Tom Arndt a ouvert ses archives. Au fil d'une centaine d'images, c'est un demi-siècle d'histoire américaine qui est conté dans une déambulation menée tel un road-movie. Une Amérique désinvolte et familière, dont les symboles appartiennent désormais à la culture populaire.
Des essais signés de Sarah Meister, ancienne directrice du département Photographie du MoMA de New York, et de Yasufumi Nakamori, senior curator à la Tate Modern de Londres, replacent l'oeuvre photographie de Arndt dans l'histoire de la photographie américaine.
Apparu dans les années 1960 en Italie, l'Arte Povera est une démarche artistique ; davantage une attitude qu'un mouvement. Théorisé par Germano Celant en 1966, l'Arte Povera s'inscrit dans une volonté de défiance à l'égard des industries culturelles, portée par une nouvelle génération d'artistes incarnant des manières inédites d'appréhender l'art et la création. S'opposant à la consommation de masse et réhabilitant la place de l'homme et de la nature dans l'art, l'Arte Povera en renouvelle les thématiques (l'homme, la nature, le corps, le temps), les matériaux (naturels, de récupération, périssables), les techniques (artisanales), les gestes et l'intention. Il s'agit de repenser les critères d'esthétisme, de se défaire des artifices, de revenir à l'immédiateté des émotions et des sensations. À travers la production de livres, d'affiches, de projections et d'impressions sur toile, les artistes italiens de cette époque se sont appropriés le pouvoir narratif de l'image photographique et filmique afin d'explorer de nouveaux possibles de l'art.
Transdisciplinaires, mêlant photographies, films, vidéos, affiches, livres, objets, sculptures et peintures, l'ouvrage, qui l'accompagnera l'exposition, présentera plus de 300 oeuvres de figures majeures de l'Arte Povera, parmi lesquelles Giovanni Anselmo, Alighiero Boetti, Luigi Ghirri, Jannis Kounellis, Piero Manzoni, Mario Merz, Giuseppe Penone, Michelangelo Pistoletto... Conçu comme un livre d'art et non comme un catalogue d'exposition, il donnera à voir l'extraordinaire richesse d'une période où les artistes italiens ont compté parmi les plus importants interprètes de la transformation des langages visuels.
Ce nouveau regard sur une démarche artistique majeure des avant-gardes du xxe siècle proposera également une immersion visuelle dans le contexte politique et culturel de l'époque avec des portfolios dédiés au cinéma, théâtre, soirées littéraires, extraits de presse présentant les grands enjeux socioculturels d'alors.
La falaise de Bâmiyân, inscrite au patrimoine mondial en péril de l'UNESCO depuis 2003, est longue de 1500m et riche d'une histoire millénaire. C'est au ve siècle qu'y ont été sculpté deux gigantesques bouddhas de 55 et 38m de haut, en parallèle à la percée de près de 700 grottes qui accueillaient les moines et les voyageurs en quête de méditation. Au printemps 2016, l'Ambassade de France en Afghanistan invite l'artiste français Pascal Convert à réfléchir à une oeuvre pour commémorer le quinzième anniversaire de la destruction des bouddhas, opérée en 2001 par les Talibans. Sur place, l'artiste réalise des captations de la falaise défigurée. De retour en France avec des milliers de relevés photographiques et scans 3D, il crée une oeuvre photographique monumentale constituée de 15 panneaux différents (de 1,10m chacun) formant une vue panoramique de la falaise. Le livre explore l'incroyable histoire de cet endroit à travers un corpus de textes fourni, mais également un nouvelle perception de l'oeuvre de Pascal Convert. Constitué de fragments du panoramique réagencés et agrandis, le déroulé images du livre propose une vision inédite de l'endroit. Des associations visuelles entre plusieurs zones permettent, grâce à la technique photographique, d'avoir un regard contemporain d'une précision hors du commun.
Le livre s'inscrit dans la continuité de travail de Pascal Convert comme un ouvrage de référence sur le sujet. Entre scientifique et photographique, cet ouvrage demeurera l'unique témoignage de ce qui est amené à disparaitre.
L'espace urbain s'appréhende par fragments, se devine au fil des silhouettes qu'on y croise. Brumes, grains explosés, lumières parfois saturées, nuances de gris, couleurs monochromes jouant avec des bleus froids ou des orangés chauds, chez Bogren l'expérience visuelle se fait sensible. Où sommes-nous ? Dans une cité peuplée de présences solitaires, immergées dans une ville aux façades qui ressemblent à des murailles : il s'agit de voir au-delà des apparences, de passer de l'autre côté du miroir, perdre pied pour mieux voir.
Chaque image est une vision, saisie alors qu'elle semble se dissoudre sous nos yeux : on distingue des passages, des architectures, les couloirs d'une station de métro, au loin une île hérissée de buildings. L'errance est aussi faite de rencontres, de personnages saisis sur le vif, telles des apparitions, les yeux clos parfois, enfermés dans leur monde intérieur, souvent pris en close-up. Saisir l'intimité, dire le fragile, donner à voir l'impermanence des choses : l'univers visuel de Martin Bogren révèle l'illusion du monde. Ses images captent sur leur surface un réel qui se dérobe mais que l'art du photographe a su saisir in extremis, à la dérobée. La vie est un songe et toute réalité n'est qu'illusion, pour reprendre Pedro Calderon, et plonger dans l'irréalité demeure un plaisir.
Figure du théâtre contemporain, Mohamed El Khatib explore à travers des épopées intimes les rapports humains, les notions d'âge, de classes sociales, mais aussi notre relation à l'art au quotidien. En 2020, dans un contexte où sont reconsidérés les lieux de résidence des personnes âgées, il décide avec Valérie Mréjen de créer un centre d'art contemporain au sein d'un Ehpad. Ensemble, ils invitent des artistes à tisser un dialogue artistique avec les résidents. Alors que les Ehpad ont la réputation d'être des lieux d'isolement, le projet entend modifier notre regard sur ces établissements de fin de vie, en faisant apparaître l'art là où on ne l'imaginerait pas. De cette rencontre entre le geste artistique et le quotidien des résidents est née une collection permanente, témoignage de cette expérience unique.
« En arpentant les couloirs de l'Ehpad, on mesure la façon dont un geste artistique peut faire office de rituel collectif puissant, créant par-delà la beauté, du réconfort et de la liberté. À travers la collection de l'Ehpad, nous avons souhaité privilégier un art de la rencontre », annonce El Khatib. Introduit par un texte de l'historien Patrick Boucheron - qui célèbre le grand âge pour sa souveraine liberté d'oublier ce qui l'arrange, et restaure une digité qui elle ne s'oublie pas -, cet ouvrage présente les oeuvres créées au sein de l'Ehpad Les Blés d'or, à travers l'échange qui s'est créé avec les résidents. La parole est également donnée au personnel soignant, au fil de verbatim qui racontent des instants tendres, parfois drôles mais toujours attentionnés.
En coédition avec le MUCEM et ZIRLIB
Intitulé Au film du temps, l'ouvrage, qui accompagne l'exposition, invite le lecteur à une expérience immersive à travers une sélection de vidéos des années 1980 à 2022. Dans un récit polysémique, les oeuvres filmiques La Mer, Anna, Femme feu, Les Oliviers, (D')après Monet et Creazione se déploient dans un long travelling poétique. Sans véritable début, ni fin, telle une boucle vidéo, les images libèrent le lecteur du point de vue centré, caractéristique de la perspective albertienne. Le grain de l'image vidéo, les couleurs parfois saturées, les variations de lumières, les jeux d'ombres et le point quasi immobile de la caméra nous immerge dans des représentations quasi abstraites, dans une palpitation hypnotique, où la matière devient presque picturale. Chez Leccia, la nature - terre, air, mer, feu, vent - vient réveiller les sens : le spectateur perd ses repères, ses points d'ancrage dans le réel. Mer, forêt, végétation, tout semble se dématérialiser sous nos yeux.
Ré-agencé spécialement pour le Musée des impressionnismes, (D')après Monet offre une relecture des célèbres Nymphéas du peintre dans une expérience sensible inspirée de l'univers coloré et mouvant de l'impressionnisme. Conçue à partir de l'histoire de la genèse de la toile de Monet, la vidéo de Leccia interroge les liens avec l'abstraction américaine et européenne. Pour le présent ouvrage, l'artiste a produit spécialement une série de diptyques extraits de (D')après Monet. Imaginé comme une camera obscura, le graphisme du livre joue avec les codes du cinéma super-8.
Cet ouvrage et l'exposition qu'il accompagne portent un regard nouveau sur le mouvement de l'arte povera, rarement associé aux médiums photographiques et filmiques. Ils invitent le regardeur à « renverser ses yeux » à travers une lecture inédite de ce courant artistique en l'inscrivant également dans le contexte social et politique de l'époque en Italie. Fruit de longues recherches dans les ateliers des artistes, et les collections privées et publiques, l'ouvrage donne à voir l'extraordinaire richesse d'une période où les artistes italiens ont compté parmi les plus importants interprètes de la transformation des langages visuels.
Le livre s'articule autour de quatre thématiques : corps, expérience, image et théâtre. Il présente plus de 300 oeuvres de figures majeures de l'arte povera, parmi lesquelles Giovanni Anselmo, Alighiero Boetti, Luigi Ghirri, Jannis Kounellis, Piero Manzoni, Mario Merz, Giuseppe Penone, Michelangelo Pistoletto... Il propose également une immersion visuelle dans le contexte politique et culturel de l'époque avec des portfolios (imprimés sur un papier de couleur) dédiés au cinéma, théâtre, événements politiques, happenings et extraits de presse présentant les grands enjeux socioculturels d'alors.
Plusieurs textes viennent éclairer le corpus visuel à la fin du livre : un essai de Giuliano Sergio sur cette période d'effervescence artistique italienne des années 1960 et 1970 dans un contexte de développement des médias, un texte d'Elena Volpato sur la vidéo d'artiste, suivis d'une chronologie détaillée du mouvement ainsi que des notices biographiques des artistes.
Le titre « Renverser ses yeux » est une référence à l'oeuvre éponyme de Giuseppe Penone, Rovesciare i propri occhi, qui figure dans l'ouvrage et l'exposition.
Ce livre accompagne l'exposition conjointement présentée au Jeu de Paume et au BAL à partir du mois d'octobre 2022 suivie de la Triennale de Milan en 2023, sous le commissariat de Quentin Bajac, directeur du Jeu de Paume, Diane Dufour, directrice du BAL, et Giuliano Sergio, commissaire indépendant, avec la complicité de Lorenza Bravetta, commissaire associée et conservatrice à la Triennale de Milan.