De l'extase aux abîmes du péché, Baudelaire explore les dédales de la conscience. Il nous fait partager le drame qui se joue en lui et qui n'est autre que celui de la tragédie humaine.
Recueil condamné par la censure, cette oeuvre est l'archétype d'une nouvelle esthétique où beauté et sublime se côtoient.
En 1943, François-René Daillie rencontre Maurice Betz, l'un des grands traducteurs de Rilke, et entreprend lui-même ses premières traductions du poète. C'est en 1948 qu'il s'engage dans la traduction des Elégies...
Voici donc le résultat de cinquante années de travail et de perfectionnements. Les dix Élégies n'ont jamais, à notre avis, atteint cette force poétique en version française. C'est à une lecture réellement nouvelle de ce chef-d'oeuvre que nous convie ce livre.
Publié du vivant de Fernando Pessoa, sous le nom de Álvaro de Campos - l'un de ses hétéronymes, ingénieur et poète futuriste - Ode maritime est l'un des plus célèbres et plus beaux poèmes de l'auteur. La Différence a déjà publié ce texte dans le tome III des " oeuvres complètes " (épuisé). Pour la présente édition, bilingue, la traduction a été revue et corrigée par Claude Régy et Parcídio Gonçalves, à l'occasion de sa création sur scène par Claude Régy en juin 2009.
Juvénal (60-140) se plut à opposer la dépravation de son temps aux moeurs plus chastes et droites des Romains de la République. Après s'être voué d'abord à la rhétorique, cet ami de Martial commença en effet à composer des satires vers l'âge de quarante ans, lorsque la chute de Domitien, puis le règne de Trajan et surtout d'Hadrien lui permirent d'exprimer le fond de son coeur en dénonçant surtout les abus dont il était témoin dans un art partagé entre le réalisme et l'outrance, l'emphase déclamatoire et la concision du proverbe. Juvénal fut poète politique, doublé d' un véritable philosophe et d'un moraliste d'inspiration stoïcienne.
Son oeuvre est un peu plus importante que celle de Perse : seize satires, dont les premières attaquent des travers précis et dont les dernières développent des thèmes moraux plus généraux. Ainsi la troisième satire évoque les embarras de la Ville, la sixième les femmes, la huitième les nobles ou la dixième les voeux...
Cette nouvelle traduction permet d'apprécier la souplesse de la composition des Satires en même temps que leur véhémence, tout en parachevant le travail entamé par Olivier Sers avec La Fureur de voir (Belles Lettres, 1999) et sa nouvelle traduction, très remarquée, dans la même collection, du Satiricon de Pétrone (2001).
Écrits en 1922 à Muzot, dans le Valais, en « quelques jours de saisissement immédiat » et conjointement aux dernières Élégies de Duino, auxquelles ils sont jumelés, les Sonnets à Orphée, sont une oeuvre magistrale et cristalline de Rilke. Après des décennies de traductions diverses, ils n'ont pas perdu un iota, ou un électron, de leur magnétisme, de leur puissance dionysiaque. Rilke affirme « le chant est existence » et son chant perpétue, en effet, une vibration lyrique de l'existence et de la pensée.
Génie dans l'art, Sá-Carneiro n'a eu, en cette vie, ni joie ni bonheur. Seul l'art, qu'il fit ou sentit, lui apporta des instants de trouble consolation. Ainsi sont ceux que les Dieux ont prédestinés à leur appartenir. Ils ne sont ni chéris par l'amour, ni visités par l'espérance, ni accueillis par la gloire. Soit ils meurent jeunes, soit ils se survivent à eux-mêmes, hôtes de l'incompréhension ou de l'indifférence. Celui-ci est mort jeune, parce que les Dieux l'ont beaucoup aimé.
Mais pour Sá-Carneiro, génie non seulement de l'art, mais de l'innovation en art, il a dû subir, outre l'indifférence qui entoure les génies, la dérision qui poursuit les novateurs, prophètes [...]. Le cirque, plus qu'à Rome qui mourait, est aujourd'hui la vie de tout le monde ; mais ses murs se sont écartés jusqu'aux confins de la terre. La gloire est pour les gladiateurs et les mimes. La décision suprême appartient à n'importe quel soldat barbare que la garde a fait empereur. Il ne naît rien de grand qui ne naisse maudit, rien de noble ne grandit qui ne s'étiole en grandissant. S'il en est ainsi, qu'il en soit ainsi ! Les Dieux l'ont voulu ainsi.
Fernando Pessoa
De tout temps, le vin a été omniprésent dans l'histoire des hommes. On le croise aussi bien dans les poèmes de l'Antiquité, les premières épopées que dans les textes sacrés, où il est tantôt décrié tantôt exalté. Il peut être synonyme de péché - l'ivresse de Noé - ou de miracle - les noces de Canaa - jusqu'à prendre valeur de sang christique. Les poètes y ont puisé l'inspiration ; ils y ont trouvé l'euphorie ou la consolation. Car le vin provoque aussi bien l'oubli que la mélancolie. Il attise ces deux polarités de la nature humaine que sont le chagrin et l'allégresse. D'Anacréon à Omar Khayyam, de Du Fu à Tristan Corbière, de Horace à Charles Baudelaire, les poètes ont chanté le vin, à la fois muse et compagnon d'infortune. Et ils en ont célébré les effluves capiteux dans l'ivresse des mots.
Réunissant un choix de poèmes parus dans l'emblématique collection bilingue de poche « Orphée », « La Tête d'Orphée » inaugure une série d'anthologies thématiques et illustrées, dont les deux premières sur l'érotisme et le vin. « Orphée » compte, à ce jour, 239 titres d'auteurs de langues du monde entier (Persan, Tchèque, Gaélique, portugais, Malais, Coréen, suédois, espagnol, japonais etc.). C'est parmi l'ensemble de ces ouvrages que Thierry Gilliboeuf a sélectionné des poèmes sur le vin, qui ont été illustrés par Abdellatif Laâbi.
C'est peut-être Flaubert qui, implicitement, a donné la meilleure définition de l'érotisme quand, à la fin de L'Éducation sentimentale, le jeune Frédéric Moreau monte l'escalier. Car l'érotisme, ce n'est pas la consommation des corps, ce n'est pas l'étreinte charnelle. C'est tout ce qui précède, tout ce qui y conduit. Cette montée du désir. Sa sublimation avec toutes les visions fantasmées qui l'irriguent. C'est le corps sans corps. Il procède de l'imagination et se dissipe dans sa propre réalisation. L'érotisme, ce n'est pas voir mais donner à voir. Ce n'est pas montrer mais évoquer. Longtemps, dans son expression poétique, l'érotisme a été l'apanage des hommes, grands prêtres de l'odor di femina. Les blasons du corps féminins en constituent l'une des plus belles réussites.
Mais des voix de femmes se sont aussi approprié l'érotisme.
Elles ont su chanter leur propre désir et celui qu'elles inspirent. Chez Martial, Pierre de Ronsard, Lalla Romano ou David Herbert Lawrence, pour n'en citer que quelques-uns, ce sont les mots qui viennent ainsi donner chair à la religion érotique du corps aimé ou désiré.
Réunissant un choix de poèmes parus dans l'emblématique collection bilingue de poche « Orphée », « La Tête d'Orphée » inaugure une série d'anthologies thématiques et illustrées, dont les deux premières sur l'érotisme et le vin. « Orphée » compte, à ce jour, 239 titres d'auteurs de langues du monde entier (persan, tchèque, gaélique, portugais, malais, coréen, suédois, espagnol, japonais etc.). C'est parmi l'ensemble de ces ouvrages que Thierry Gilliboeuf a sélectionné des poèmes érotiques, qui ont été illustrés par Adonis, que certains considèrent comme le plus grand poète vivant.
Christiane Pighetti a traduit des poèmes de Chalamov, Essenine, Mandelstam et le poème fondateur de la nation russe écrit au XIIe siècle, La Geste du Prince Igor (collection Minos). Il était naturel qu'elle veuille se confronter au prince des poètes russes, Alexandre Pouchkine (1799-1837).
Après une vie de désordres, après les clubs révolutionnaires, les innombrables duels, les écrits séditieux et tout ce qui lui valut l'exil de ses jeunes années, c'est-à-dire, l'assignation à résidence hors de la capitale sous Alexandre 1er, Pouchkine, en dépit du succès foudroyant de ses premières oeuvres, lance le jour de son 29e anniversaire : « Vie, don inutile, don fortuit / à quoi bon m'es-tu donnée ». La conscience, le remords et la conviction intime de son iniquité, hantent l'oeuvre des dernières années. Il se sent poursuivi par un homme noir, menacé par un malheur qu'il ne peut ni éviter ni prévoir.
Lecteur assidu de la Bible à laquelle, en filigrane, il fait partout référence, il a la conviction que l'inspiration est authentique révélation et, jusqu'à la veille de sa mort, souligne le caractère sacré de l'oeuvre poétique.
Les poèmes publiés en version bilingue sont extraits de l'ensemble de son oeuvre et illustrés de croquis souvent plein d'humour de l'auteur.
Thibaut Binard, jeune poète liégeois, s'est suicidé le 16 septembre 2005. Il avait envoyé à La Différence ce recueil : Diagonal doce. Son ami Karel Logist le présente : " Thibaut Binard est né en novembre 1980. Il a vécu en Belgique, à Liège et dans beaucoup d'autres lieux. Il n'aimait pas seulement les livres et la littérature, mais aussi la musique, les voyages, l'amitié et par-dessus tout la rencontre. Après une licence en philosophie, il s'est mis à la recherche de ses limites. Et à remplir ses promesses. Sa vie fut dès lors passionnément habitée par l'écriture. Il faisait des poèmes en regardant plus loin. Quelques-uns d'entre eux ont paru en revue. Son premier livre, Lancer, est paru à Bruxelles chez Maelstrom l'année dernière. Thibaut a choisi de partir le 16 septembre 2005. Il nous laisse de nombreux poèmes, des notes, des lettres et deux romans.
Et voici que surgit Diagonal Doce, un livre "vivant", né de sa rencontre avec l'Amérique latine. Et Thibaut Binard, c'est certain, aurait aimé notre surprise, lui qui a toujours eu une question, un voyage et un rêve éveillé d'avance sur nous tous. "
Diagonal dos C'est un paysage lunaire. On y marche sans grande peine La fatigue est derrière soi On y marche sans cratère devant soi sans Plus de côte, sur l'horizon, sur l'altitude Et les pieds s'enfoncent dans les galets - c'est surtout pour cela que ça ressemble à la lune - avant de gagner les tremplins. Alors le regard plonge et s'abîme comme sur un chariot fou Alors les paupières ne retiennent plus le jaune d'oeuf de tes yeux qui Dégringolent les versants ondulés Qui glissent sur la patinoire de la projection, cette projection : toi-même ayant sauté. Mais tu ne sautes pas car tu as faim alors les yeux voyagent plus Et mieux Mais tu ne sautes pas car le soleil t'agrippe Il est plus près de toi
Il te colle à la peau Il est plus près de toi ; vous êtes deux vigiles Et le fond du canyon implore votre clémence.
Le titre du recueil Muleta évoque le leurre : chiffon rouge monté sur bâton pour exciter le taureau. Le leurre chez Sapho, ce sont les mots. Les écoute-t-on ? " Brise lame / Bris de lames / Sésame / Brise l'âme ". Mais qui est le taureau ? Soi-même, sans doute. Et c'est ainsi que nous avançons, dansons, aiguillonnés par le sens, par le son : " L'avant-garde est déjà désuète / Allons de ce pas à Sète / Tirer nos ?lets / J'appelle et je ramène / Mes voix méditerranéennes / Le stylisme n'est pas mon fait / Je salue Mahmoud le Darwish / Je salue Mahmoud le riche / Et sa voix qui au loin entraîne / Mon français d'Orient mêlé. " Née à Marrakech, Sapho arrive à Paris au début des années 70. Juive marocaine française, polyglotte, avec dans les oreilles des chants ghnawas, berbères, le ?amenco du Nord marocain, Lou Reed, Jacques Brel et au coeur Baudelaire, Nabokov, Heidegger, Rilke, Ponge, Balzac, etc., elle s'y trouve en terrain familier grâce à la littérature. Elle traverse les arts comme les langues, devient comédienne, chanteuse, auteur-compositeur. Elle ne tarde pas à se faire connaître dans la chanson, où, du rock agressif de ses premiers albums, elle évolue vers la musique du monde arabe dans lequel elle a grandi. Les textes engagés de ses chansons trouvent un écho dans trois langues qu'elle associe - arabe, français, anglais - et dont elle exploite les différentes tonalités. Parallèlement à une carrière internationale qui la mène aux quatre coins du monde, elle écrit.
L'oeuvre de Serge Delaive, Liégeois pérégrinant de l'Argentine à la Corée, se construit, tantôt poèmes, tantôt romans (il a reçu le prix Rossel en 2009 pour son roman Argentine). Mais c'est toujours sur le voyage qui nous ramène à la solitude essentielle, que s'ancrent ses textes. D'un bout à l'autre des continents, dans l'apogée ou le déclin des civilisations, l'homme ne change pas et chemine sur le vide : " Nous marchons des heures et des heures / nous parcourons des distances prodigieuses / à travers les montagnes les étendues blanches / les forêts sombres l'enchevêtrement urbain / il nous arrive parfois de nous retourner / pour évaluer la réalité du trajet parcouru / alors nous cherchons l'empreinte de nos pas / et chaque fois nous posons un constat identique / il ne reste aucune trace pas le moindre indice de notre passage sur la surface écaillée de la sphère étrange. " Serge Delaive est né à Liège en 1965. Il a publié plusieurs recueils en Belgique. En compagnie de Karel Logist et de Carl Norac, il anime la revue littéraire Le Fram.
Camarade de Raoul Vaneigem et de Guy Debord, Emmanuelle K. a participé à l'aventure situationniste. Elle a exercé tous les métiers : musicienne, diseuse et chanteuse, metteur en scène et réalisatrice de films expérimentaux et documentaires - mais est avant tout poète. " La vie est une expérience poétique ", dit-elle.
" Je pense que la voix des poètes est trop peu entendue. [...] Il y a dans l'oeuvre d'Emmanuelle K. cette authenticité qui tend désormais à disparaître... Nous sommes ici à contre-courant de la quête ordinaire d'une notoriété vide... " Raoul Vaneigem " La témérité de son engagement est plus que salutaire en ces temps de couardise revendiquée. Elle ouvre une voie d'écriture fertile, exigeante, réfléchie... Je pressens chez elle, en même temps qu'une force de caractère peu commune, une blessure profonde... " André Chenet " C'est d'une tension, d'une sensibilité, d'un tragique... qui témoigne d'un sens très sûr du mot, dans l'intensité la plus acérée, dans l'épure, dans une exigence de pensée singulière. " Joël Schmidt
C'est un " autoportrait " que nous offre le grand écrivain marocain dans cette évocation de ses années de formation et de son parcours. Né en 1938 dans un pays colonisé, le Maroc, formé dans le pays colonisateur, la France, dont il adopte la langue, Abdelkébir Khatibi est le témoin de la décolonisation et des nombreuses questions qu'elle soulève, notamment celle de la rupture dans les chaînons de transmission et les problèmes d'identité qu'elle pose.
Proche de Barthes et Derrida, son oeuvre est traduite en plusieurs langues.
" Traduire en prose un poète, c'est manquer au devoir primordial de rendre l' oeuvre dans le registre qui est le sien. Or tout ici réclame, exige, requiert le vers. D'un bout à l'autre cette tragédie du deuil et des larmes retentit de plaintes. Longs lamentos du coeur lamentos d'Hécube, chants pathétiques du choeur, hymne funèbre et complainte d'Andromaque, partout la pièce n'est que tristesse et détresse. Le décasyllabe, pour les parties lyriques, l'alexandrin, ailleurs, l'un et l'autre sous leur forme la plus pure, pouvaient seuls restituer le ton et reproduire la résonance de cette oeuvre unique, la plus belle et la plus émouvante du dramaturge ". Jean-Pierre Chausserie Laprée
Salim jay passe à paris les six premières années de son existence.
Il grandit ensuite à rabat où il est élève au lycée descartes. quand la littérature a-t-elle pris toute la place dans sa vie ? " sans doute est-ce le jour où j'ai entendu pour la première fois mon père réciter l'un de ses propres poèmes. dans portrait du géniteur en poète officiel, publié pour la première fois en 1985 et salué par mohammed dib, henri thomas et jacques serguine, salim jay surprend par sa verve et sa violence.
Mais au-delà du dégoût et de la tendresse qu'il ranime, il y a un besoin éperdu du pays incarné par le père, le maroc, et un terrain commun : la littérature.
Enfant, tu venais d'avoir cinq ans. Cinq ans d'une vie éclair. Cinq ans de remue-ménage, de rebondissements et de sourires d'espoir. Tout passerait vite de sourires, coups de dés, coups de Dame, sans y croire. Tout passerait le temps d'une vie éclair, semée ci et là d'heures d'inconsciences et de comas, de sourires et d'espoirs. Tout passerait le temps d'un dernier soupir, d'un dernier espoir, d'un dernier refus de soleil noir. Ton père tenterait de te réanimer, préférant voir une nouvelle absence, une crise dérisoire. Ton père tenterait de te réanimer, casserait l'ampoule de valium, aspirerait le valium dans la seringue inversée, injecterait le valium dans ton petit cul, dans ton petit corps de chair dérisoire.
Sous le pseudonyme de Ben Arès se cache un jeune écrivain liégeois, sans concessions, attentif à la place du poète dans sa ville. Depuis quelque temps déjà, la poésie l'accompagne : " La poésie m'est tombée dessus, peu après certaines lectures... Cette rencontre a eu lieu assez tard, vers l'âge de vingt ans. Une série de hasards, une suite d'événements ont en quelque sorte "préparé" cette rencontre. "