Guy Debord (1931-1994) a suivi dans sa vie, jusqu'à la mort qu'il s'est choisie, une seule règle. Celle-là même qu'il résume dans l'Avertissement pour la troisième édition française de son livre La Société du Spectacle :
«Il faut lire ce livre en considérant qu'il a été sciemment écrit dans l'intention de nuire à la société spectaculaire. Il n'a jamais rien dit d'outrancier.»
" j'ai entrepris cet inventaire de la condition du colonisé d'abord pour me comprendre moi-même et identifier ma place au milieu des autres hommes ce que j'avais décrit était le lot d'une multitude d'hommes à travers le monde.
Je découvrais du même coup, en somme, que tous les colonisés se ressemblaient ; je devais constater par la suite que tous les opprimés se ressemblaient en quelque mesure. " et sartre d'écrire : " cet ouvrage sobre et clair se range parmi "les géométries passionnées" : son objectivité calme, c'est de la souffrance et de la colère dépassée. " cet essai est devenu un classique, dès sa parution en 1957 : il soulignait combien les conduites du colonisateur et du colonisé créent une relation fondamentale qui les conditionne l'un et l'autre.
«Si nous n'étions pas contraints de vivre au milieu d'hommes intolérants, mesquins et violents, je serais le premier à rejeter tout nationalisme au profit d'une communauté humaine universelle.» Non, Albert Einstein (1879-1955), allemand de naissance qui devint suisse puis américain, ne participa pas à la construction de la bombe atomique, mais écrivit bien à Roosevelt afin de le convaincre de tout mettre en oeuvre pour devancer les chercheurs nazis dans l'acquisition d'une arme fatale. Non, il n'obtint pas le prix Nobel de physique pour sa théorie de la relativité mais pour son hypothèse audacieuse sur la nature corpusculaire de la lumière. Oui, il fut un père aimant qui adorait ses deux fils, mais ne livra jamais le terrible secret pesant sur sa fille Lieserl. Oui, il s'engagea pleinement dans le sionisme mais déclina la présidence de l'État d'Israël. Oui, il fut menacé par le régime nazi. Oui, il fut considéré par McCarthy comme «un ennemi de l'Amérique». Oui, il fut cet homme hors du commun, profondément pacifiste et humain, qui avait vu son existence bouleversée par la découverte à cinq ans de la boussole et qui vingt ans plus tard changeait le regard de l'humanité sur l'univers.
« L'injure des hommes
Qu'est-ce que cela fait ?
Va, notre coeur sait
Seul ce que nous sommes. »
Paul Verlaine (1844-1896) est sinon le plus grand poète français, du moins le plus mélodieux et le plus pur. Sa vie tumultueuse, ses passions, ses errances et ses fuites à l'étranger font de lui un personnage hors du commun. Né sous le signe de Saturne, qui lui vaut, dit-il, « bonne part de malheur et bonne part de bile », écartelé entre Mathilde, « la petite épouse », et Rimbaud, « l'époux infernal », il tente de percer les mystères du commerce poétique. Qu'elle soit grâce ou dépravation, « crapulerie » ou sagesse, perfection musicale ou violence orageuse, la poésie est avant tout pour lui le moyen le plus sûr de connaître le monde.
« Peut-on demeurer inconsolable ? » Philippe Forest, on le sait, a éprouvé la mort d'un enfant, sa petite fille de quatre ans :
C'est l'expérience fondatrice de son oeuvre littéraire. Il se demande alors « qu'avait à dire la philosophie de la mort d'un enfant ». Cette question-là est débattue avec Vincent Delecroix.
La littérature croise la philosophie, et toutes deux, corpus à l'appui, se préoccupent non pas du « comment apprendre à mourir » - sujet de la philosophie stoïcienne - mais de la mort vue du côté du vivant qui reste. Le débat est émouvant et profond, voici quelques autres citations à retenir :
« «Ca va aller». C'est la pire chose qu'on peut dire à quelqu'un qui est en deuil. » « Tout nous incite à accepter la mort, mais quelque chose en nous résiste à cette acceptation. » « On prend toujours la place de quelqu'un d'autre. Et rien ne le justifie. »
«Un des domaines où l'on récuse le plus intensément l'intrusion de la philosophie, c'est le domaine politique : le réalisme politique n'a pas, dit-on, à s'encombrer de considérations abstraites. Mais si l'on y regarde de plus près, on s'aperçoit vite que les problèmes politiques et moraux sont indissolublement liés : il s'agit en tout cas de faire l'histoire humaine, de faire l'homme, et puisque l'homme est à faire, il est en question : c'est cette question qui est à la source à la fois de l'action et de sa vérité.
Derrière la politique la plus bornée, la plus têtue, il ya toujours une éthique qui se dissimule.» Sont réunis ici quatre articles initialement parus dans Les Temps Modernes :
- L'existentialisme et la sagesse des nations.
- Idéalisme moral et réalisme politique.
- Littérature et métaphysique.
- Oeil pour oeil.
Elle était la " séduction même ", une " polyglotte extraordinaire ", sa voix était " suave et chantante ", son esprit " merveilleux d'intelligence ", son sein " d'une blancheur exceptionnelle, à travers le voile de Sidon ", ainsi s'expriment les contemporains de Cléopâtre (69-30 av. J : C.). Ni César ni Marc Antoine ne surent résister à ses charmes. Cruelle, perverse, manipulatrice, assoiffée de pouvoir, Cléopâtre VII Philopator semble réunir en elle tout ce que la beauté sans retenue, l'esprit sans conscience, la passion sans frein peuvent produire de plus lumineux et de plus sombre. Nul besoin d'accuser ou de réhabiliter Cléopâtre : la vie de la reine d'Egypte, qui nous fascine depuis deux mille ans, parle d'elle-même. C'est celle-ci que Joël Schmidt nous restitue, impudique et féroce, dans toute son humanité.
Les auteurs de l'Antiquité parlent souvent de la lumière étincelante et très rapide qui illumine notre âme quand, dans un éclair de béatitude, nous avons l'impression de toucher du regard les choses divines. C'est précisément cette «lumière de la nuit», projetée en nous par les grands mythes de l'humanité, qui fait l'objet de ce livre.Les tigres, les griffons, les cerfs, les loups, les taureaux, les poissons, les scorpions qui composent un énigmatique alphabet de symboles dans les ors flamboyants des Scythes; la lumière étrange du dieu Apollon dont la splendeur excessive recèle toute la profondeur des ténèbres; les visions initiatiques de L'Âne d'or d'Apulée; les images grandioses, l'éblouissante obscurité des Épîtres de Paul; le dieu d'Augustin dans les Confessions, à la fois familier, fulgurant et mystérieux - grâce à l'immense trésor d'images, de métaphores et de figures que nous a légué le monde antique, nous pouvons céder parfois à l'illusion merveilleuse d'entrevoir des vérités secrètes derrière le spectacle illusoire de la réalité.Du Proche-Orient à l'Asie, de l'Europe à l'Amérique précolombienne, La lumière de la nuit nous immerge dans la richesse prodigieuse des fables et des récits mythiques. D'un oeil amoureux, Pietro Citati nous en décrit les joyaux et les splendeurs. Il nous conduit vers l'infinie polyvalence des significations du mythe.
«Dans cette anthologie, Mai 68 apparaît sous une forme paradoxale : intense et insignifiant, vivant et disparu, haï et regretté, utopie réaliste qui demande l'impossible, phénomène contradictoire qui agrège tous les imaginaires du temps sans jamais s'y limiter. Mais sa force réside encore aujourd'hui dans cette force de subversion et cette capacité de saper tout ce qui croyait pouvoir durer et qui, depuis, se sait provisoire. Une brèche fut ouverte. Mai aura cette année cinquante ans. L'âge des pères qu'il giflait, l'âge largement dépassé de la génération à laquelle il a donné son nom. Le temps de métamorphoser à force de discours la plaie en cicatrice.» Sophie Doudet.
«Ce texte est une lettre, adressée à nos enfants.
Elle est née sous le coup de la colère : colère devant les difficultés de mes compatriotes, colère devant le rabaissement de la France, colère devant le départ pour l'étranger de tous ces jeunes qui désespèrent de notre pays.
Je dis dans cette lettre ce que la France est pour moi. Je montre ce que je lui dois. Je veux expliquer à mes enfants quelles sont leurs origines et pourquoi ils peuvent en être fiers. Je leur raconte la vie de ma grand-mère maternelle, et pourquoi elle a tant compté pour moi. Elle m'a appris la langue française, qui est le vrai ciment de notre nation. Elle m'a donné le goût du risque et le sens de la liberté. Je leur parle de mon grand-père, né en Algérie et blessé dans la guerre de 14, et de cet autre grand-père prisonnier en Allemagne. Je leur parle de mon propre père qu'ils n'ont pas connu. À travers la vie de ces parents, je leur rappelle une histoire dont ils sont les dépositaires : la grandeur nationale, la colonisation, la guerre, la débâcle, la reconstruction, les doutes actuels.
Je leur parle de mes rencontres avec des Français, de leur créativité, de leurs talents. Je leur dis mon incompréhension devant les charges dont on les accable et ma volonté de leur redonner un espoir et de la liberté.
Je dis à nos enfants qui je suis : un Français de cette France ancienne, qui veut en inventer une nouvelle avec eux.».
Bruno Le Maire.