Un élève officier de l'armée austro-hongroise, aspirant écrivain, adresse ses tentatives poétiques à Rainer Maria Rilke et sollicite son avis. De 1903 à 1908, en quelque dix lettres, le jeune homme, alors à la croisée des chemins, hésitant entre la voie toute tracée de la carrière militaire et la solitude aventureuse de la vie d'écrivain, confie à son aîné admiré ses doutes, ses souffrances, ses émois sentimentaux, ses interrogations sur l'amour et la sexualité, sa difficulté de créer et d'exister. Le poète lui répond. Une correspondance s'engage. Refusant d'emblée le rôle de critique, Rilke ne dira rien sur ses vers, mais il exposera ce qu'implique pour lui le fait d'écrire, de vivre en poète et de vivre tout court.
Publié pour la première fois dans son intégralité, cet échange intime ne permet pas seulement de découvrir enfin le contrechamp de lettres qui furent le bréviaire de générations entières, il donne au texte de Rilke une puissance et une portée nouvelles, et invite à repenser la radicalité de son engagement esthétique, mais aussi la modernité frappante de sa vision de la femme.
La fin des années 1970 est difficile pour Leonard Cohen. Deuil de sa mère, séparation d'avec la mère de ses enfants, approche de la cinquantaine. Il opère alors un retour au judaïsme et explore sa relation à l'Éternel, tout en se méfiant de toute religion qui prétendrait à l'exclusivité.
L'écriture des psaumes l'amène à « renoncer à sa petite volonté » pour entrer dans un dessein plus grand, beaucoup plus grand, qui permet une réunification de l'être en réparant ce qui a été brisé. Il se sauve ainsi du désespoir, et souhaite que ses psaumes en fassent autant pour ses lecteurs.
Les psaumes contemporains de Book of Mercy (Livre de la Miséricorde) chantent la plainte humaine et passionnée d'un homme à son Créateur. Ancrés au coeur du monde moderne, ces poèmes résonnent avec une tradition de dévotion plus ancienne, biblique notamment.
On ignore presque tout de ce que fut la vie de farid-ud-din attar.
On sait qu'il est né à nichéã£pur, en perse, probablement en 1140, qu'il fut apothicaire, qu'il voyagea beaucoup, et qu'il mourut en 1230, dans sa quatre-vingt-dixième année.
On sait surtout qu'il fut l'un des plus grands poètes mystiques de cette époque glorieuse du soufisme oú la quête divine atteignit des sommets inégalés. rûmi, hallaj, saadi furent ses pairs.
Il écrivit beaucoup. le mémorial des saints, le livre divin sont de ses oeuvres majeures.
La conférence des oiseaux est assurément la plus accomplie. elle relate le voyage de la huppe et d'une trentaine de ses compagnons en quête de simorgh, leur roi. d'innombrables contes, anecdotes, paroles de saints et de fous les accompagnent. " lis ce livre, chercheur, tu sauras oú aller, dit le poète. savoure-le longtemps et tu seras nourri. car il a de quoi t'étonner. tu le lis une fois et tu crois le connaître, mais non ! lis-le cent fois, cent merveilles nouvelles ébahiront ton oeil.
" autant dire que la conférence des oiseaux est de ces livres qui se savourent et se fréquentent comme des amis nourriciers.
Avant sa mort, survenue le 7 novembre 2016 à Los Angeles, Leonard Cohen a passé de longs mois à reparcourir ses carnets, nombreux et étalés sur des décennies, pour opérer une sélection de textes en bonne part inédits (poèmes, chansons, extraits de ses carnets de notes) qui, accompagnés de dessins marqués par l'autodérision, composent le livre qu'il décide de laisser à la postérité, comme un dernier cadeau plein de vie?: plein de toute sa vie.
On retrouve bien sûr dans ces pages les thèmes de prédilection de celui qui a commencé sa carrière comme poète et romancier, avant de devenir aussi le musicien mondialement célébré qu'on connaît. Il est question d'amour, de passions, de jalousie et de peur de l'abandon, de flamme jamais éteinte, de sexualité, de relations entre les êtres, du temps qui passe et laisse ses traces, de religion aussi, d'aspiration à la sagesse, d'états dépressifs et mélancoliques toujours teintés d'humour.
Le baptême.
Je te baptise Babel entre toutes les femmes.
Babel entre toutes les villes.
Babel de la diversité.
Ambiguë comme les sexes.
Nostalgique du paradis perdu.
- utérus maternel -.
Centre du monde.
Cordon ombilical.
« Poète - crie Babel.
Je suis l'aveugle des langues.
La Cassandre dans la nuit obscure des signifiants ».
Cristina Peri Rossi.
« Violette sur l'herbe à la renverse est le poème qui donne son titre au recueil ; je l'ai écrit avant tous les autres. Certains me sont venus d'une traite ; je les ai enregistrés sur le moment puis tapés à la machine. Pour d'autres, ce fut plus laborieux ; j'ai pesé chaque mot pour aboutir au poème parfait. Ils sont tous très différents, sincères, ils n'essaient pas d'être autre chose que ce qu'ils sont et j'en suis fière car, lorsque je les ai écrits, j'étais au plus près de moi-même ».
Lana Del Rey
Adonis aime à présenter son Adoniada comme une autobiographie intellectuelle et poétique. Puisant dans une tradition arabe pré-islamique, il utilise la poésie dans une visée humaniste de tolérance et d'ouverture, sans jamais perdre le sens d'un lyrisme inspiré. Adoniada est tout à la fois une épopée qui raconte l'histoire mythique de la divinité du renouveau, Adonis, à qui le poète a emprunté son nom, et un témoignage bouleversant sur notre modernité. Beyrouth, Damas, Londres, Erevan, Shanghai, New York, Éphèse, Paris, autant d'étapes d'un voyage intérieur. Artaud, Baudelaire, Rilke : Rimbaud, Orphée, al-Mutanabbî, Confucius, Homère, Dante : autant de guides pour une descente dans l'enfer d'un monde dévasté et pour une élévation vers un rêve de lumière.
Ô papillon, toi le papillon, es-tu venu pour me prendre ?
Prends-moi, mon corps est une poignée de poussière, montre-toi et approche.
La poésie n'est pas synonyme de lenteur. C'est un raccourci linguistique par excellence. Les poèmes sont généralement courts ; ils constituent un accélérateur de particules qui permet de sauter beaucoup de choses et d'aller droit à l'essentiel. Le poète est un champion de la vitesse.
La poésie a le prestige de toute activité secrète, inutile et incompréhensible. Si elle n'était pas aussi incompréhensible, elle n'aurait pas ce prestige. Et nous, poètes, ne voyagerions pas comme nous le faisons.
Il y a une veine spéculative dans ma poésie, qui en accompagne une autre, plus vécue, souvent autobiographique. J'aspire à une poésie qui, sans perdre ses racines dans le quotidien, ne se limite pas à l'anecdote. À partir d'une expérience particulière, la poésie parvient à illuminer une zone profonde de l'esprit.
Être poète ne m'intéresse pas le moins du monde. Ce qui m'importe, c'est écrire un livre de poèmes. On n'est poète que lorsqu'on écrit de la poésie. Ensuite on cesse de l'être. Être poète n'est jamais une profession.
Fabio Morábito
on a pu dire de schneepart que ce sont les " poèmes de 1968 ", en donnant à ce moment sa signification historique liée aux révoltes étudiantes, aux mouvements sociaux et au printemps de prague.
au plus près de son époque et de lui-même, paul celan y réinvente sa diction.
en janvier 1970, dans une lettre à ilana shmueli, celan évoque, avec une fierté lucide, ces poèmes, qui ne seront publiés qu'après sa mort: " [ce volume] est sans doute ce que j'ai écrit de plus fort et de plus audacieux."
Des Premiers poèmes (1910-1920) aux quatre chants admirables des Quatre quatuors (1936-1942), l'oeuvre d'Eliot domine la première moitié du siècle : " poésie - comme l'a précisé Pierre Leyris - strictement nécessaire, parcimonieusement sécrétée (à raison d'un poème ou deux par an, certaines années restant muettes) par un destin jalousement économe d'expression lyrique. " Un peu plus d'une centaine de pages. Oui : ce monument qu'est La terre vaine, méditation extrême qui berce, encensant et tranchant en même temps à coups d'oscillations brutales de langue et de pensée ; Mercredi des Cendres, appel en musique du tourment ; et les Poèmes d'Ariel : " L'éveil, les lèvres ouvertes, l'espoir, les nouveaux navires. " Oui, à peine une centaine de pages. Et tout sera dit : un rare ajustement, à l'entreprise humaine, du chant de l'homme et de sa perception du réel - " concert innombrable " et " grande rumeur universelle ". " Brûlant brûlant brûlant brûlant O Seigneur Tu m'arraches O Seigneur Tu arraches Brûlant ".
Après avoir traduit la poésie d'Alvaro Mutis puis celle de César Vallejo, François Maspero avait entrepris de traduire Ida Vitale. La mort l'a surpris au coeur de ce travail.
Silvia Baron Supervielle a pris le relais. Elle a choisi et traduit la plupart des poèmes qui composent cette anthologie.
Ida Vitale a reçu en 2015 le prix Reina Sofía qui est la plus haute distinction pour la poésie ibéro-américaine consacrant ainsi la poète uruguayenne comme une des voix majeures de la poésie de langue espagnole.
ali ahmad saïd esber, dit adonis, est né, le 1er janvier 1930, à qassabine, en syrie. son oeuvre poétique est publiée dans de nombreuses langues. en français, elle est notamment disponible chez gallimard, actes sud, et au mercure de france.
Parra est mathématicien, professeur. C'est l'un des grands poètes sud-américains. On lui a donné le prix Cervantes en 2011, ça ne l'a pas tué. Quand il écrit, c'est sans perruque, pas sans mâchoire : ses dents montrent la joie, le rire, la grimace, le dentier, le cadavre. La conscience ordinaire, celle de l'homme de la rue et de son langage, trouve une expression lyrique.
[...] La poésie est un glissement de terrain, le lieu de la crise. C'est une ligne de rupture et un casse-tête. "Casse-tête" est le titre d'un vieux poème de Nicanor Parra, écrivain chilien de cent trois ans qu'une certaine colère poétique a conservé, comme si l'absence de compromis esthétique et sentimental était un gage de survie.
Philippe Lançon.
Selon une idée répandue dans les études littéraires, avant le romantisme, il n'existait aucune théorie de la poésie lyrique.
Le silence de la Poétique d'Aristote sur l'art de Pindare et de Sapho et la lecture néo-classique de la Renaissance qui domine encore notre perspective historique sont à l'origine de ce préjugé. En fait, nombreux sont les documents de l'Antiquité, de la Renaissance et du XVIIIe siècle qui se réfèrent explicitement à une poésie qualifiée de lyrique. Qu'entendent-ils par là ? A quels textes, à quelles caractéristiques, à quelles classes font-ils allusion par cet adjectif ? Dans quel domaine spécifique l'utilise-t-on ? A quels problèmes théoriques répond-il ? Quel est son sens ? Quelle est sa finalité ?
Ce livre tente de répondre à ces questions en parcourant une longue période qui commence avec Platon et se termine avec la naissance, au XVIIIe siècle, de la théorie expressive.
Ainsi, oscillant entre mimèsis et expression, se dessine une histoire qui analyse la genèse et l'évolution d'un genre appelé à jouer un rôle décisif dans l'essor des littératures nationales en Europe et dans la mise en place de la révolution romantique.