Le thème de ce livre peut sembler paradoxal.
En effet, en cette fatidique année révolutionnaire antistalinienne pour la hongrie et la pologne, aucun événement palpable ne vient troubler la quiétude apparente de voisins immédiats - tchèques et slovaques - qui avaient pourtant connu la démocratie avant la seconde guerre mondiale.
Mais c'est justement l'anatomie de cette " absence " qui retient ici l'attention. l'auteur replace d'abord la tchécoslovaquie dans le contexte de la déstalinisation de 1956.
Elle présente ensuite les années 1950 dans l'historiographie et analyse les interprétations de 1956 en provenance des historiens occidentaux et tchèques. enfin, elle invoque le passé traumatique du pays (accords de munich, protectorat allemand, expulsion des allemands des sudètes après la guerre), l'influence des communistes sur la scène intellectuelle tchèque à partir de 1945, l'état des relations avec le voisin soviétique et le niveau de soutien dont a bénéficié le parti communiste au sein de la population comme facteurs expliquant l' " absence " de 1956.
L'ouverture partielle des archives a permis de constater l'existence de décalages très importants entre les interprétations historiographiques de ces événements et certains aspects de la réalité mesurables par des documents officiels - nombre de personnes emprisonnées, politique d'information des membres du comité central, etc. - et ainsi de déconstruire un certain nombre de mythes présents dans l'histoire nationale tchèque.
En replaçant l'histoire du communisme de ce pays dans un contexte à la fois plus lointain (dans le temps) et plus large (dans l'espace), muriel blaive montre que le parti communiste disposait de solides racines dans la société et que, à la différence de ses homologues polonais et hongrois, il ne s'opposait au nationalisme tchèque sur presque aucun plan. l'originalité du communisme tchèque - et la clef de son succès - se définit ainsi par sa compatibilité unique avec le nationalisme.
Que reste-t-il aujourd'hui de l'oeuvre de Mustafa Kemal Atatürk trois quarts de siècle après la fondation de la République laïque turque ? En raison de sa position géostratégique, la Turquie ne peut laisser l'Union européenne indifférente.
La stabilité de son ancrage à l'Europe apparaît ainsi comme une donnée fondamentale de sa sécurité à long terme. Pourtant, certaines orientations récentes de la vie politique turque peuvent faire douter nombre d'observateurs de la vocation européenne proclamée par Atatürk. À l'aube du XXIe siècle, le kémalisme continue-t-il à marquer de son empreinte l'évolution de la République turque ? La laïcité, pilier essentiel de la construction politique de la Turquie moderne, est-elle sérieusement menacée par la progression de l'islam politique ? La demande pressante d'adhésion de la Turquie à l'Union européenne peut-elle être considérée comme le couronnement de la politique d'européanisation initiée par Atatürk ? Voici un état, des lieux du système d'éducation, de l'orientation laïque de l'État turc et de la politique extérieure - particulièrement celle européenne - définie par les gouvernements successifs.
Pour Claude Lévi-Strauss, le mythe est un modèle qui permet de résoudre des contradictions créées par une société au cours de son évolution.
Les mythes fondateurs sont ceux qui construisent, au-delà de ces antinomies, l'identité nationale. Ils font partie de l'histoire, imaginaire ou réelle, de tous les Etats modernes : leurs martyrs, comme Jeanne d'Arc pour les Français, leurs héros, comme Pilsudski pour les Polonais, leurs lieux, comme Kosovo pour les Serbes, leurs événements, comme la bataille de Stalingrad pour les Soviétiques, constituent une mythologie dans laquelle la nation se reconnaît.
Comment les interprète-t-on ? Et à quel moment éprouve-t-on le besoin de les ressusciter ? L'histoire de la Pologne, qui ne manque ni de tragédies, ni de contradictions, donne naissance à des symboles qui se transforment en " mythologie nationale " dans la mesure où ils se situent hors du réel ou donnent au réel une dimension imaginaire. Cependant, l'interprétation du rôle attribué aux dynasties royales, l'évocation de la nostalgie du paradis perdu que fut la Lituanie et le questionnement sur l'antisémitisme, le catholicisme et le judaïsme montrent que les mythes peuvent constituer aussi un poids difficile à assumer ou un traumatisme collectif.
Les mythes polonais, tels qu'ils sont analysés dans ce volume, permettent de comprendre comment se construit l'image d'une nation et, surtout, comment elle se perçoit elle-même. Jan Rubès